Qu’attendre du cannabis dans le monde en 2019 ?
Après des décennies de prohibition et de tabou, le cannabis est sur le devant de la scène et fait l’objet d’un débat international. Si son usage récréatif est encore controversé, ses multiples applications médicales et industrielles sont de plus en plus reconnues. L’année 2018 a été de loin l’année la plus importante dans cette redécouverte du cannabis mais n’était qu’un début. L’année 2019 s’annonce déjà mouvementée. Tous les secteurs de l’industrie vont connaitre une croissance importante. Voici quelques prédictions pour cette année cruciale que sera 2019.
Le cannabis médical
Une reconnaissance internationale
La reconnaissance des propriétés thérapeutiques du cannabis évolue en même temps que croit le nombre d’États légalisant le cannabis médical. En 2019, l’OMS, qui a au préalable réuni un comité d’experts dont le verdict lui a été remis, publiera ses recommandations pour la réévaluation du cannabis dans les traités internationaux.
Déjà légal dans de nombreux pays d’Amérique et d’Europe, le cannabis médical sera également un sujet de débat dans des régions du monde moins avancées sur la question comme l’Asie et l’Afrique ou la France, non seulement pour ses vertus thérapeutiques mais également pour son potentiel économique.
La question de la culture et de l’exportation du cannabis médical sera cruciale dans le développement d’une industrie de cannabis médical globalisée. Pour l’instant, beaucoup de pays importent leur cannabis médical du Canada qui fait partie, avec les Pays-Bas et bientôt Israël, des seuls pays exportateurs de cannabis médical.
Une possible reclassification du cannabis aux Etats-Unis
A l’heure qu’il est, 33 États américains sur 50 ont légalisé le cannabis médical. Les pressions politique et civile exercées sur les lois actuelles pourraient bien les faire changer, au moins pour permettre plus de recherche. Alex Wasyl, le PDG de Nexien BioPharma, espère qu’en 2019, le cannabis sera retiré du Schedule 1 de la liste des Substances Contrôlées pour qu’il soit possible de le “développer, l’étudier, l’approuver, le réguler et le prescrire comme n’importe quel médicament”. C’est également l’avis du Directeur des Services de Santé publique des États-Unis, Jérôme Adams, qui a récemment appelé à une reclassification du cannabis toujours recensé dans l’échelon le plus restrictif au niveau fédéral. En outre, en 2019, la National Institute of Health’s HEAL initiative, enquêtera sur les vertus analgésiques du cannabis pour trouver une solution à l’épidémie d’opioïdes qui frappe les États-Unis.
Plus d’innovation scientifique
Alors que le THC et le CBD sont les composants les plus étudiés et les plus mainstream, la recherche et l’innovation vont peu à peu s’intéresser à d’autres composants moins connus du cannabis. Par exemple, à des cannabinoïdes moins prévalents (THCV ou CBG) dans la plante ou aux terpènes (les agents chimiques responsables de l’odeur et la saveur du cannabis).
De nouvelles découvertes sur les potentialités des composants du cannabis sont à prévoir et permettront d’élaborer des formulations médicinales plus efficaces. Ces découvertes seront stimulées par le souci commercial et marketing de plus en plus présent autour du cannabis dans l’industrie pharmaceutique et seront accompagnées par une multiplication des dépôts de brevet.
Le cannabis récréatif
Plus d’États légaliseront le cannabis récréatif
Pour l’instant, la liste des Etats ayant effectivement légalisé le cannabis récréatif est courte puisqu’ils ne sont que deux : l’Uruguay et le Canada. Néanmoins, elle risque de s’allonger en 2019 puisque le Luxembourg et le Mexique ont prévu de rejoindre le bateau. Il y a fort à parier que des États américains légaliseront également le cannabis récréatif en 2019. Pour l’instant, ils ne sont que 11 mais selon Graham Boyd, directeur de A New Approach PAC, ils seront une majorité d’ici à deux ans.
Nouvelle vague de légalisation au Canada, les ventes de fleurs vont décliner
En octobre 2019, le Canada légalisera les edibles et les concentrés ce qui donnera lieu à une nouvelle vague d’investissements, de spéculation et de développement de produits. Santé Canada a déjà publié les premières ébauches de régulations sur la question. Alors que ces nouveaux produits vont faire leur entrée sur le marché, les ventes de fleurs risquent de décliner significativement. D’importants investissements ont déjà été faits sur une catégorie en particulier: les boissons infusées au cannabis. Le marché est estimé à 600 millions de dollars en 2022.
La persistance du marché noir
Le but de la légalisation du cannabis est d’annihiler le marché noir en substituant à l’offre de produits illicites un produit régulé. Néanmoins, dans la plupart des endroits où le cannabis est légal, les choix politiques en matière de régulations, en particulier sur les taxes, ne rendent pas le commerce légal attractif. Le commerce légal est donc limité dans sa capacité à attirer les entrepreneurs et consommateurs hors du circuit illicite.
Pour Bill Levers, un cultivateur californien (Beard Bros Pharms): “A moins qu’ils [les régulateurs] ne réduisent les barrières à l’entrée et réduisent la quantité d’avidité et de taxes, ils vont alimenter le marché noir et le marché légal va échouer”. Cette situation est particulièrement prégnante en Californie où les cultivateurs illicites sont déjà légion dans les montagnes du triangle d’émeraude depuis des décennies, mais aussi au Canada dans les provinces comme le Québec où la régulation est trop restrictive.
De manière générale, soit le prix de vente du cannabis légal, à défaut d’être compétitif, fera retourner le consommateur vers le marché noir soit la compétition du marché noir conduira à une chute des prix qui fera couler les commerces légaux. Outre les régulations, la question des pénuries et du mauvais calibrage de l’offre et de la demande est également un facteur de persistance du marché noir.
Business / Bourse
Les leaders de l’industrie vont se démarquer
Selon Khurram Malik, PDG de Biome Grow, un producteur canadien, 2019 sera l’année où le cannabis passe de la théorie à la pratique. Les entreprises devront justifier de la qualité de leur stratégie et de leur produit avec des chiffres concrets. Une séparation va alors se créer entre les entreprises rentables et celles qui ne le sont pas, entre celles qui ont un plan de développement solide et celles qui n’en ont pas. Ces dernières vont faire faillite. Ce “passage à la réalité” sera d’autant plus marqué que les investisseurs vont désormais investir dans les entreprises les plus rentables. Le capital va migrer vers celles-ci ce qui renforcera leur position de leadership. Il y aura donc moins d’entreprises mais elles seront plus performantes.
Une explosion d’innovations en termes de produits et des transferts d’expertise entre industries
Selon Mike Gorenstein, PDG de Cronos Group qui a récemment conclu un partenariat avec le cigarettier Altria : “de manière globale pour l’industrie, l’année 2019 sera caractérisée par l’innovation en termes de produits. Nous avons cet influx de spécialistes et de gens créatifs venant d’autres industries – que ce soit l’alimentation, la boisson, le tabac, les cosmétiques – qui viennent dans le milieu et travaillent avec des experts du cannabis sur le développement de nouveaux produits”.
La tendance sera donc au transfert d’expertise entre les industries plus traditionnelles (et le monde politique parfois) et l’industrie émergente du cannabis. Cette prédiction se vérifie déjà puisqu’un ancien cadre de Coca Cola vient d’intégrer l’équipe de direction de Charlotte’s Web. Parmi les innovations à venir, on imagine le développement de nouveaux produits à faible dose pour attirer de nouveaux consommateurs.
De plus en plus d’entreprises vont être listées dans les bourses canadiennes et européennes
Aux États-Unis, les problèmes de financement poussent les entreprises à entrer en bourse au Canada. Selon George Archos, PDG de Verano Holdings, cette stratégie était déjà une tendance importante de 2018 et elle continuera à l’être si les restrictions fédérales qui pèsent sur les banques et les empêchent d’investir dans le cannabis persistent. Une proposition de loi bipartisane pourrait venir changer la donne en 2019 : le STATES ACT.
Celle-ci protégerait l’industrie de cannabis des Etats des interférences fédérales et elle pourrait alors obtenir des financements de la part des banques. Une tendance potentielle en 2019 est également la multiplication d’opérations d’introduction en bourse, en Europe, d’entreprises d’outre-mer. L’introduction du producteur danois StenoCare avait été un franc succès : l’entreprise a quasi quadruplé de valeur au début et ses actions se vendent toujours au double de leur valeur initiale. La compagnie australienne Little Green Pharma, par exemple, a prévu une introduction en bourse à Francfort en 2019.
Chanvre industriel
Les États-Unis vont devenir un acteur majeur du chanvre
Depuis le 1er janvier, le chanvre est légal aux États-Unis au niveau fédéral et, par extension, le CBD dérivé du chanvre l’est aussi (même si la FDA est moins enchantée). Jusqu’ici, les produits CBD, de plus en plus populaires aux Etats-Unis, étaient confectionnés à partir de chanvre importé ou de cannabis (ils n’étaient donc pas légaux en dehors de l’État de production). Aujourd’hui, avec la légalisation de la culture du chanvre, l’industrie du CBD peut se développer sur le sol national et faire l’objet d’un commerce intra-national créant ainsi un marché national unifié estimé à 22 milliards de dollars dans les années à venir. Les États-Unis qui ont une culture agricole importante pourront également exporter leur chanvre dans le monde entier concurrençant ainsi la Chine et l’Europe, les premiers producteurs de chanvre à l’heure actuelle. Vu les multiples dérivés du chanvre et sa croissante notoriété, son commerce va s’intensifier et les Etats-Unis se préparent une place de choix sur ce marché.
Le rachat des chanvriers européens par les entreprises canadiennes
L’Europe est un important producteur de chanvre. Elle détient par exemple un grand nombre de brevets sur la génétique des plantes de chanvre. Ce dernier sert à la confection de textiles, matériaux de construction et de simili plastique pour le marché automobile. Avec l’essor du CBD, le chanvre industriel prend une nouvelle dimension et une filière bien-être dominée par les cosmétiques et l’alimentation se développe. Le marché européen est doublement attractif car la production de chanvre y est déjà importante et bien implantée et le marché unifié de quelques 500 000 millions de consommateurs présentent des avantages commerciaux évidents. Ainsi, pour les grandes entreprises canadiennes, l’acquisition de chanvriers européens est opportune. Cette tendance a commencé en 2018 et est susceptible de s’accentuer fortement en 2019.
De nouveaux débouchés
Le chanvre a de nombreux débouchés : il s’utilise dans l’industrie textile, automobile et de construction. On lui découvrent sans cesse de nouvelles applications, par exemple remplacer le graphène, un cristal de carbone prisé pour ses innombrables qualités (très bonne résistance, haute conductivité thermique, excellente conductivité électrique), utilisé dans la confection de batteries et de superconducteurs. Le coût de production du graphène est actuellement élevé. Sa synthèse par extraction du graphite est un processus difficile et coûteux. Cependant, des scientifiques de l’université d’Alberta au Canada ont réussi à produire des nano-feuilles de graphène en chauffant et compressant des fibres de chanvre. Le chanvre pourrait donc servir à faire des batteries et des super-conducteurs. Ce qui réconcilierait Elon Musk et son péché mignon pour la weed.
Cannabis et Bien-être
Boom du CBD
Bethany Gomez, la directrice de recherche à Brightfield Group considère l’explosion des produits dérivés du CBD comme l’une des tendances les plus importantes de l’année à venir : “on ne peut plus se balader sans entendre parler ou voir du CBD – sur les étagères de milliers de commerçants, dans les pages de journaux populaires comme le Wall Street Journal et Vogue ou sur les feed instagram de célébrités… et dans la communauté médicale”. Ce boom du CBD va se traduire par des innovations et une diversification en termes de produits (cosmétique, produits pour animaux, boissons, produits fitness, alimentation) ainsi qu’une consolidation du secteur de l’industrie de cannabis consacré au CBD et à ses dérivés. Ce dernier peut être dérivé du cannabis fort en THC ou du chanvre. Pour des raisons légales, il est en général extrait du chanvre. Ce boom va donc permettre à la filière chanvre de se diversifier et de gagner en reconnaissance.
Le chanvre va exploser dans les cosmétiques
On retrouve de plus en plus le cannabis sur les étiquettes de produits cosmétiques. Ces produits sont confectionnés à partir de chanvre/CBD, vanté pour ses nombreuses vertus en cosmétique. De grandes enseignes se sont déjà mises à commercialiser ces produits et cette tendance va aller croissante en 2019. Le fait que le cannabis s’immisce désormais dans les produits du quotidien participe à sa normalisation.
En France, où les forces de l’ordre mènent une guerre informelle contre les commerçants de CBD, la Mildeca (pour rester en cohérence avec sa déclaration) a précisé que “cette pratique sera susceptible de constituer une infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant”. En France, il ne serait donc possible de faire des produits cosmétiques au CBD qu’à partir des graines ou des tiges de la plante de chanvre, un créneau qu’exploite déjà par exemple l’entreprise bretonne Ho Karan.
Le CBD, nouvelle tendance dans l’alimentation
Le CBD s’annonce déjà comme une tendance phare de l’alimentation en 2019. Il est réputé avoir de nombreux bienfaits en tant que complément alimentaire. En revanche, malgré sa légalité par défaut, l’inclusion du CBD dans l’alimentation se heurte à une certaine résistance de la part des autorités sanitaires des Etats. L’Autriche l’a banni de l’alimentation. L’Espagne également. Aux États-Unis, la loi empêche son usage alimentaire du fait que la molécule est également un principe actif dans certains médicaments (Epidiolex) mais, suite à la légalisation du chanvre, la FDA travaille à supprimer ces entraves légales.
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