La filière du CBD prépare sa riposte juridique
Ça n’a pas tardé. Dès le lendemain de l’interdiction des fleurs de CBD, le secteur a saisi le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, avec un référé-liberté. Cette procédure d’urgence permet de suspendre rapidement un texte qui met en péril les libertés. En l’occurrence, le secteur du CBD se plaint d’une entrave à la liberté d’entreprendre, puisque les fleurs représentent plus de la moitié des ventes.
“On y a passé notre réveillon du 31 décembre, puis on a déposé notre recours devant le Conseil d’État dès le 1er janvier. Il a été bien enregistré le 3 janvier, et n’a pas été rejeté. Donc on espère que le juge se prononcera cette semaine”, raconte Yann Bisiou. Cet enseignant-chercheur, spécialiste du droit de la drogue, est également consultant juridique auprès du syndicat Union des Professionnels du CBD (UPCBD).
“Les fleurs représentent 70 % du chiffre d’affaires de nos boutiques. Donc on peut craindre des licenciements, des fermetures… Tout cela, en plus du risque pénal pour les commerçants, et du stock qu’ils ne peuvent plus vendre”, s’alarme Charles Moral, président de l’UPCBD.
“J’ai fait le choix de continuer à vendre des fleurs dans mes boutiques. Si je n’en vendais plus, ça se traduirait obligatoirement par des licenciements, et ça c’est hors de question”, confirme Mao Aoust, fondateur des magasins High Society et membre de l’UPCBD. Pour lui, “rien ne change” car les fleurs n’étaient déjà pas autorisées à la vente lorsque l’arrêté de 1990 était en vigueur.
“Est-ce qu’on interdit le tabac ?”
D’autres attaques en justice vont suivre. “Les autorités disent qu’on ne peut pas différencier le chanvre CBD du THC. Mais si, c’est possible ! Sauf qu’on ne s’en donne pas les moyens. Il existe des tests rapides pour différencier CBD/THC. Donc cela fera partie des très nombreux arguments qui seront déroulés”, annonce Aurélien Delecroix. Le président du Syndicat Professionnel du Chanvre (SPC) prépare un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État.
Il mettra en avant les contradictions du gouvernement. En effet, l’exécutif rappelle que « de nombreux éléments cancérigènes proviennent de la combustion des substances organiques », lorsque les consommateurs fument les fleurs de CBD. “Certes les produits peuvent se fumer, mais est-ce qu’on interdit le tabac pour autant ?, répond Delecroix. En Belgique et au Luxembourg, les fleurs CBD sont classées comme une plante à fumer, comme le tabac. Tout est normé : il y a une taxation, un message sanitaire, une interdiction de vente aux mineurs, etc.”
Pour que le Conseil d’État suspende l’arrêté, il faut prouver l’urgence économique. Et c’est particulièrement le cas pour les agriculteurs. “La fleur représente 80 à 85 % de nos ventes. L’impact est radical. Est-ce que les entreprises vont résister à ça ? Non, c’est improbable. On a pas pu chiffrer au total, mais au moins 80 % de nos 280 membres veulent laisser tomber”, alerte François-Guillaume Piotrowski, le président de l’Association des Producteurs Français des Cannabinoïdes (AFPC).
Lui aussi déposera un recours devant la justice. Mais avant cela, il espère que le Conseil Constitutionnel lui donnera raison. Une saisine de l’AFPC attaque le Code de la santé publique. Selon eux, il ne définit pas précisément ce qu’est un stupéfiant. Donc dans l’état actuel des choses, le gouvernement peut considérer le CBD comme un stupéfiant, alors que le droit international dit le contraire. La réponse doit arriver ce vendredi 7 janvier.
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