Le système endocannabinoïde : qu’est-ce que c’est ? Comment fonctionne-t-il ?
Le système endocannabinoïde, ou système endogène cannabinoïde (SEC ou ECS en anglais pour endocannabinoid system), est à la base de l’action du cannabis sur le corps humain. Sa découverte est assez récente et sa compréhension n’est pas totale. Qu’est alors le système endocannabinoïde ? Comment fonctionne-t-il ? Quel effet a-t-il sur l’organisme ? Quels canaux utilise-t-il ?
Systeme endocannabinoide : qu’est ce que c’est?
Le système endocannabinoïde est un ensemble de récepteurs cellulaires et de molécules situés dans notre corps. Ces récepteurs spécifiques, appelés récepteurs cannabinoïdes, ont été isolé dans les années 1990 grâce à l’étude de l’action du cannabis sur le cerveau. Ils ont donc hérité du nom cannabis et du préfixe “endo” pour signifier qu’ils sont produits par le corps. Cette découverte n’aurait pas été possible sans le professeur israélien Raphael Mechoulam qui isola le THC en 1963 et remarqua alors que le corps produisait des actions similaires sans présence de THC.
Les récepteurs cannabinoïdes sont situés dans tout le corps humain.
Quel est le rôle du système endocannabinoïde ?
Le système endocannabinoïde serait à l’origine de l’homéostasie, le processus de régulation qui permet de conserver le fonctionnement normal de l’organisme. Ce mécanisme influe sur les fonctions essentielles du corps humain : la faim, la digestion, la douleur, l’énergie, le sommeil, l’appétit, les fonctions motrices, les fonctions reproductrices, le plaisir, la régulation de la température corporelle… Pour résumer, ces endocannabinoïdes sont l’explication de la bonne entente entre le corps et l’esprit.
Cependant le système endocannabinoïde peut être défaillant. La rupture du système endocannabinoïde est appelé “carence endocannabinoïde clinique”. Lorsque le système endocannabinoïde ne régule plus votre corps, les fonctions citées précédemment peuvent être affectées.
L’utilisation de cannabis médical peut alors venir modifier ou pallier certains déficits en endocannabinoïdes et traiter certains dérèglements du système endogène cannabinoïde. Lorsque le THC se fixe sur les récepteurs CB1 et CB2, il module l’action des récepteurs cannabinoïdes et rééquilibre leur fonctionnement. Par exemple, en activant massivement les récepteurs CB2 contenu dans les articulations, le cannabis permet de calmer l’inflammation de celles-ci en cas d’arthrite. Il contrôle en l’occurrence le déclenchement de l’information “douleur dans l’articulation”.
Les propriétés médicales du cannabis sont donc le résultat de l’action du cannabis sur le système endocannabinoïde. Ce dernier nécessite encore de nombreuses recherches pour être totalement compris.
Les récepteurs cannabinoïdes
Les récepteurs cannabinoïdes (endocannabinoid receptor) sont des protéines qui reçoivent des signaux chimiques de l’extérieur d’une cellule. Lorsqu’un signal chimique se lie à un récepteur, il entraîne une certaine forme de réponse cellulaire. Les récepteurs cannabinoïdes répondent à trois types de liants : les endocannabinoïdes produits par les corps mamillaires (une partie du cerveau situé près de l’hypothalamus), les phytocannabinoïdes produits par les plantes, et les cannabinoïdes synthétiques qui regroupe des cannabinoïde existants dans la nature mais en très petite quantité et donc reproduits en laboratoire – on parle alors de phytocannabinoïde de synthèse – et des cannabinoïdes “artificiels” créés et produits en laboratoire – on parle alors de néocannabinoïde.
Le système endocannabinoïde est composé de deux récepteurs, les CB1 et les CB2. Le récepteur CB1 est essentiellement présent dans le système nerveux central du cerveau et les terminaisons nerveuses. Le récepteur CB2 se retrouve un peu partout dans le corps, dans le système immunitaire et dans les membranes des cellules immunitaire. On retrouve également des récepteurs dans la rate, les os, les amygdales et la thyroïde.
D’autres récepteurs du système endocannabinoïde, par exemple le récepteur orphelin GPR55, qui est ciblé par différents cannabinoïdes et endocannabinoïdes classiques, sont en cours d’étude. Ce dernier s’est révélé bénéfique contre l’excitotoxicité, grâce à des effets exercés par la modulation de la fonction microgliale (Kallendrusch et al., 2013). Ce récepteur cannabinoïde a été classé dans la famille des récepteurs orphelins couplés aux protéines G (GPCR) au côté des GPR18 et GPR119, entre autres.
Les endocannabinoïdes
Les endocannabinoïdes, aussi appelées cannabinoïdes endogènes, désignent des molécules produites par le corps et qui se lient aux récepteurs endocannabinoïdes. Pour le moment, la science distingue surtout deux grands types d’endocannabinoïdes.
Le premier type est le neurotransmetteur anandamide, ou l’hormone du bonheur. L’anandamide est connue pour être à l’origine de la joie et de la bonne humeur. Sa concentration dans le corps est régulée par l’enzyme FAAH, une molécule agoniste, qui se lie aux récepteurs CB1 et CB2.
Le deuxième endocannabinoïde est le 2 arachidonylglycerol ( 2 AG pour simplifier). Celui fonctionne essentiellement avec le récepteur CB2 bien qu’il puisse également se lier avec le CB1.
D’où viennent les endocannabinoïdes ?
Depuis que nous sommes tout petits, notre nourriture nous apporte les endocannabinoïdes. On en trouve énormément dans le lait maternel et dans les Oméga 3, et sont surtout présents dans les acides gras des aliments.
Une étude réalisée sur des animaux et publiée par l’American National Health Institute montre un changement de caractère lorsque l’animal subit une diète d’acide gras. Le système endocannabinoïde est donc également régulé par notre alimentation.
Quelles différences avec les cannabinoïdes de la plante ?
Les cannabinoïdes (cannabinoids) sont donc finalement une famille de molécules en capacité d’agir avec notre système endocannabinoïde. Ils ont été nommés ainsi car découverts en premier lieu dans la plante de Cannabis. Parmi les principaux cannabinoïdes issus du cannabis ou du chanvre, on peut distinguer :
- Le THC est un phytocannabinoïde. Celui-ci a les mêmes propriétés que l’anandamide, et se fixe directement sur les récepteurs CB1 et CB2 pour imiter les effets des endocannabinoïdes.
- Le cannabidiol, ou CBD, lui, ne se fixe pas sur les récepteurs endocannabinoïdes, mais agit sur l’enzyme FAAH. Le CBD l’empêche alors de réguler la concentration d’anandamide. La quantité d’anandamide augmente, ce qui favorise la réponse endocannabinoïde protectrice innée du corps. Le CBD ira également s’opposer à l’action du THC sur le récepteur CB1, allant ainsi contre les effets psychoactifs de la molécule.
Comment les enzymes fonctionnent-elles dans le système endocannabinoïde ?
Dans le système endocannabinoïde, les enzymes sont comme des ouvriers qui créent et décomposent des molécules importantes. Certaines enzymes fabriquent des endocannabinoïdes en cas de besoin, agissant comme de minuscules messagers qui aident à maintenir l’équilibre de l’organisme.
Une fois que ces messagers ont fait leur travail, d’autres enzymes les décomposent et les éliminent, empêchant ainsi une trop grande activité qui pourrait perturber l’équilibre. C’est comme si une équipe de production fabriquait les composants essentiels et nettoyait lorsque le travail est terminé, garantissant ainsi le bon fonctionnement et l’harmonie de l’ensemble de l’organisme.
Comment le THC affecte-t-il le système endocannabinoïde ?
Le THC (tétrahydrocannabinol), le composé intoxicant du cannabis, affecte le système endocannabinoïde en interagissant avec ses récepteurs CB1 présents dans le cerveau et le système nerveux central et avec les récepteurs CB2 présents dans l’ensemble du corps. Le THC se lie également à certains récepteurs non cannabinoïdes.
Voici comment le THC influence ce système :
- En imitant les endocannabinoïdes : Au niveau moléculaire, le THC ressemble aux endocannabinoïdes, en particulier à l’anandamide. En raison de cette similitude, le THC peut se lier à ces récepteurs, en particulier les récepteurs CB1 dans le cerveau
- Modification des fonctions cérébrales : Lorsque le THC se lie aux récepteurs CB1, la communication cérébrale normale est altérée. Les cellules cérébrales (neurones) communiquent généralement en libérant des neurotransmetteurs qui se lient aux récepteurs des neurones voisins. Le THC modifie ce processus en se liant aux récepteurs CB1 et en augmentant ou en diminuant la libération de divers neurotransmetteurs
- Effet intoxicant : Cette interaction peut conduire à l’intoxication généralement associée à la consommation de cannabis, comme une altération de la perception, des changements d’humeur, des troubles de la mémoire et une altération de la perception du temps, puisque le THC affecte les zones du cerveau impliquées dans ces fonctions
- Tolérance : La consommation répétée de THC peut entraîner des changements dans le système endocannabinoïde, tels qu’une réduction de la sensibilité ou de la densité des récepteurs, ce qui entraîne une tolérance et la nécessité de consommer davantage de cannabis pour obtenir le même effet
Comment le CBD affecte-t-il le système endocannabinoïde ?
Le CBD (cannabidiol) agit sur le système endocannabinoïde d’une manière très différente du THC. Contrairement au THC, le CBD ne se lie pas fortement aux récepteurs cannabinoïdes du système endocannabinoïde. Son influence est plutôt indirecte et multiforme :
- Modulation des récepteurs : Le CBD interagit avec divers récepteurs du corps, soit en se liant directement au récepteur, soit, dans le cas des récepteurs cannabinoïdes, en se liant indirectement, contrairement à la manière typique dont le THC se lie aux récepteurs CB1. Il peut moduler l’activité des récepteurs CB1 et CB2, agissant souvent pour réduire leur activité. Cette modulation peut influencer la façon dont les autres cannabinoïdes, y compris le THC, interagissent avec ces récepteurs
- Augmentation des niveaux d’endocannabinoïdes : Le CBD inhibe la dégradation de l’anandamide, un endocannabinoïde, en supprimant l’enzyme (fatty acid amide hydrolase ou FAAH) responsable de sa dégradation. Cette inhibition peut conduire à une augmentation des niveaux d’anandamide dans le corps, ce qui peut renforcer les effets positifs de cet endocannabinoïde, comme la régulation de l’humeur et le soulagement de la douleur
- Interaction avec d’autres systèmes : Le CBD interagit également avec des récepteurs et des systèmes non cannabinoïdes. Par exemple, il se lie aux récepteurs de la sérotonine, influençant l’humeur, le stress et les niveaux d’anxiété. Il affecte également d’autres récepteurs impliqués dans la perception de la douleur et l’inflammation
- Effets neuroprotecteurs et anti-inflammatoires : Le CBD a des propriétés neuroprotectrices et anti-inflammatoires démontrées. Il peut réduire l’inflammation dans le cerveau et le corps, ce qui est bénéfique pour des maladies telles que la sclérose en plaques et l’arthrite. Ses propriétés neuroprotectrices font l’objet de recherches dans le contexte des maladies neurodégénératives
- Réduire les effets intoxicants du THC : Le CBD peut contrecarrer certains des effets psychoactifs du THC en modulant l’activité du récepteur CB1. Cela peut réduire l’intensité de l’anxiété ou de l’euphorie induite par le THC.
Qu’a montré la recherche sur le système endocannabinoïde ?
De nombreuses études, sur des souris ou des humains, ont documenté les effets sur la santé notamment l’effet analgésique des cannabinoïdes sur différents types de douleur, y compris la douleur chimique, mécanique et thermique, ainsi que la douleur neuropathique, inflammatoire et cancéreuse.
D’autres études ont montré que le système endocannabinoïde a un impact important sur la neurotransmission et sur les systèmes neuroendocrinien et neuroimmunitaire, dont on sait qu’ils sont dysfonctionnels chez les patients dépressifs. En conséquence, il a été démontré que les antidépresseurs courants ont un impact direct sur l’expression des récepteurs cannabinoïdes dans l’ensemble du cerveau. La relation entre le système endocannabinoïde et le trouble dépressif majeur mérite donc d’être examinée.
Néanmoins, la plupart des études se concentrent sur de petites parties de ce qui est sans aucun doute une mosaïque plus large de processus interdépendants. C’est pourquoi des revues d’études se sont efforcées de comparer la littérature scientifique existante pour une meilleure compréhension de la relation entre le SEC et la santé.