Royaume-Uni : le secrétaire d’Etat à la Santé demande aux médecins des services publics de prescrire du cannabis médical
Un nouveau cas d’enfant gravement malade se voyant confisquer un traitement au cannabis a conduit le secrétaire d’Etat à la Santé britannique à s’exprimer sur l’inefficacité du programme de cannabis médical britannique. Ce dernier a évoqué une “immense frustration” face au refus des médecins des service publics à prescrire du cannabis aux patients. A l’heure actuelle, seuls les patients assez fortunés pour se payer des praticiens privés ont véritablement accès au cannabis médical.
Après Billy Caldwell et Alfie Dingley, Teagan Appleby
Teagan Appleby est une petite fille de neuf ans atteinte d’une maladie génétique rare qui lui fait subir quelques 300 crises épileptiques par jour. Ses parents avaient trouvé dans un traitement au cannabis un moyen de réduire ses crises et l’espoir d’une meilleure qualité de vie pour leur enfant. Après s’être vue refuser une licence d’importation, la mère de Teagan, Emma Appleby, a entrepris de se procurer elle-même de l’huile de cannabis aux Pays-bas. L’huile a été entièrement confisquée par les douanes de l’aéroport de Southend Airport le week-end dernier. L’huile saisie représentait 3 mois de traitement pour une valeur de 4,500£.
Le cas ressemble à s’y méprendre à ce qu’a vécu la mère de Billy Caldwell qui s’était vue confisquer de l’huile de cannabis à son retour du Canada. C’était d’ailleurs cette affaire et celle d’Alfie Dingley, un enfant épileptique auquel le gouvernement avait refusé d’accorder une licence, qui avait sensibilisé l’opinion sur le cannabis médical et poussé les dirigeants britanniques à le légaliser. La médiatisation de ce nouveau cas met en lumière les failles du système. En effet, malgré la légalisation le cannabis médical est inaccessible via les services de santé publics (NHS).
Un système à deux vitesses
Le cannabis médical est cependant disponible via les services de santé privés mais sans possibilité de remboursement et à un prix prohibitif pour de nombreux patients. A titre d’exemple, dans la toute première clinique spécialisée qui a ouvert récemment, la simple consultation coûte environ 200£ et pour un traitement il faut compter environ 700£ mensuels sans aucune couverture sociale. Cet accès préférentiel basé sur la richesse a été de nombreuses fois critiqué.
“Voir un système où seules les familles qui ont de l’argent peuvent avoir accès au cannabis médical est une trahison des principes de la NHS. Certaines familles comme la mienne ont peu de moyens. La NHS devrait fournir les meilleurs soins possibles et disponibles et cela ne devrait pas dépendre de si on a de l’argent ou non” s’est indignée Emma Appleby. Pour Carly Barton, une militante de l’United Patients Alliance (UPA) atteinte de fibromyalgie, même son de cloche : “Je suis une criminelle seulement parce que je ne peux pas me permettre de payer un traitement à 1,400£ par mois”
Le blocage de la NHS
Le problème vient des médecins de la NHS ou plutôt de leur hiérarchie. En effet, deux institutions médicales de référence, le Royal College of Physicians (RCP) et le British Paediatric Neurology Association (BPNA), se sont positionnées contre la prescription du cannabis car elles estiment que les preuves de son efficacité sont insuffisantes. La plupart des prescriptions pour du cannabis médical sont rejetées sur ce principe. Les institutions de la NHS exigent également que toutes les options de traitements conventionnels (même la chirurgie dans certains cas) aient été épuisées avant d’envisager une prescription de cannabis médical.
Même quand un docteur accepte de prescrire du cannabis médical, la prescription doit être approuvée par une commission hiérarchique qui dans l’immense majorité des cas la rejette. C’est ce qui est arrivé à Carly Barton qui utilise du cannabis médical pour soulager ses douleurs chroniques après avoir essayé sans succès des traitements aux opioïdes extrêmement lourds (morphine, fentanyl). Elle explique qu’un docteur lui a prescrit du cannabis médical mais que sa prescription a été bloquée au niveau de la commission clinique. “Je n’ai pas d’autres choix que de redevenir une “criminelle” regrette-t-elle.
Dans le secteur privé, en revanche, les médecins sont libres de prescrire du cannabis comme bon leur semble. “Les docteurs privés n’ont pas de compte à rendre à la hiérarchie de la NHS donc s’ils estiment que le cannabis médical est une option thérapeutique viable, ils peuvent la prescrire directement sans passer par le processus hyper-bureaucratique qui consiste à recevoir l’approbation d’une commission de confiance”, explique Dr Dani Gordon, un expert en cannabis médical.
Une réaction politique
Convoqué lundi dernier à la Chambre des représentants, le secrétaire d’Etat à la Santé, Matthew Hancock, s’est exprimé sur le sujet : “Nous avons changé les lois pour nous assurer que le cannabis médical soit rendu disponible. Pour cela, nous avons besoin d’une approbation clinique. Le problème est que cette approbation ne vient pas. C’est une source immense de frustration pour moi comme vous pouvez l’imaginer et nous sommes en train de tenter de résoudre le problème”. Il a assuré aux parlementaires qu’il avait exigé de la NHS qu’elle fasse tomber les barrières qui empêchent la prescription du cannabis médical.
Lors de la séance, le parlementaire Philip Hollobone a soulevé un paradoxe intéressant : “Alors que plusieurs forces de polices ont récemment admis publiquement qu’elles ne poursuivraient plus les usagers de cannabis récréatif, l’action des forces douanières du ministère de l’Intérieur est déployée pour intercepter le traitement d’un enfant gravement malade”.
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