Kofi Annan appelle à la légalisation mondiale du cannabis
Un des obstacles majeurs à la légalisation du cannabis en France est l’engagement de notre pays à respecter les traités sur les drogues des Nations Unies, notamment la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 et la Convention de 1971 sur les substances psychotropes.
A l’approche de la 59ème session de la Commission des Stupéfiants des Nations Unies, les partisans d’une légalisation pourraient avoir trouvé un allié de poids en la personne de Kofi Annan. Dans un essai publié le 22 février dans le magazine allemand Der Spiegel, Kofi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies de 1997 à 2006, appelle à une légalisation massive du cannabis pour combattre le problème des abus de drogue et du trafic illégal.
Et Kofi Annan sait de quoi il parle : il était Secrétaire Général des Nations Unies lors de la dernière Commission des Stupéfiants des Nations Unies en 1998. Sa prise de position est donc à la fois un constat d’échec et une proposition pour aller de l’avant. Voici 5 points intéressants de son essai.
Les lois sur les drogues mettent plus en danger les citoyens que les drogues
La répression et l’idéologie font plus de mal aux gens que les drogues selon Annan :
« Les drogues sont dangereuses, mais les politiques actuelles sur les stupéfiants sont une menace plus grande car la répression est devenue une priorité sur les droits individuels et de santé. Il est temps de mettre la vie et la sécurité de chacun au coeur des lois. Une politique basé sur l’assentiment commun et les sentiments populaires peut devenir une recette pour des prescriptions erronées et des interventions malencontreuses. Nulle part, le divorce entre la rhétorique et la réalité n’est plus évident que dans la formulation des politiques globales sur les drogues, où trop souvent les émotions et l’idéologie ont prévalu sur les faits. »
Annan illustre son point en soutenant que la prohibition du cannabis a souffert d’influences, tandis que les tentatives pour dissuader les abus d’opioïdes par l’incarcération ont échoué.
« En regardant attentivement les Etats-Unis, nous savons maintenant que la légalisation de la consommation médicale de cannabis n’a pas, contrairement à ce que craignaient ses opposants, mené à une augmentation de l’usage chez les jeunes. En revanche, les morts d’overdoses d’héroïne ont triplé entre 2010 et 2013, alors que la loi et les peines encourues n’ont pas changé. »
La guerre contre la drogue est une guerre contre les personnes
La prohibition a échoué à faire ce qu’elle était censée accomplir, selon Annan :
« La prohibition a eu peu d’impact sur l’offre et la demande de drogues. Lorsque la répression fonctionne dans une zone, la production de drogue se déplace dans une autre région ou un autre pays, les trafics changent de route et les consommateurs changent de drogue. La prohibition n’a pas non plus réduit l’usage. Les études ont constamment échoué à établir l’existence d’un lien entre la sévérité des lois d’un pays et le niveau de consommation de drogue. La pénalisation massive et la répression des consommateurs de drogue, les prisons surpeuplées, signifient que la guerre contre la drogue est, à des degrés significatifs, une guerre contre les consommateurs, contre les personnes. »
La prison est plus nocive que la consommation récréative de drogue
Annan fait valoir que l’incarcération empêche les gens d’accéder à un traitement, et ruine les vies de jeunes personnes :
« La tendance dans plusieurs zones du monde à stigmatiser et incarcérer les consommateurs de drogue a empêché de nombreux consommateurs d’accéder à un traitement médical. Dans quels autres domaines de santé publique pénalise-t-on les patients qui ont besoin d’aide ? Les mesures punitives ont envoyé de nombreuses personnes en prison, où leur consommation de drogue s’est aggravée. Un casier judiciaire avec relevé de consommation de drogue chez une jeune personne peut être une plus grande menace pour leur bien-être que l’usage récréatif de drogue. »
Il est temps de réviser les traités sur les drogues
Les traités sur les drogues ne remplissent pas les objectifs qu’ils s’étaient fixés, affirme Annan :
« L’objectif d’origine des politiques sur les drogues, selon la Convention sur les Substances Psychotropes des Nations Unies, était de protéger la « santé et le bien-être de l’humanité ». Nous devons recentrer les politiques nationales et internationales sur cet objectif clé. »
Pour ce faire, Annan appelle les pays à suivre 4 étapes fondamentales pour améliorer les lois sur les drogues (la 4ème va vous étonner !) :
- Dépénaliser les drogues récréatives : « La consommation de drogue est nocive et réduire sa nocivité doit être un sujet de santé et non de justice. Cela doit être couplé avec un renforcement des services de soins, notamment dans les pays peu développés ou en voie de développement »
- Se concentrer sur la réduction des risques, non la suppression des drogues : « Nous devons accepter qu’un monde sans drogue est une illusion. Nous devons en revanche nous concentrer et nous assurer que les drogues causent le moins de mal possible »
- Réguler et éduquer : « Nous devons regarder la régulation et l’éducation plutôt que la suppression des drogues, qui ne fonctionne pas. Les mesures prises avec succès pour réduire la consommation de tabac montrent ce qui peut être réalisé. C’est la réglementation et l’éducation, pas la menace de prison, qui a réduit le nombre de fumeurs dans beaucoup de pays »
- Légaliser le cannabis : « Les tendances initiales nous montrent que là où le cannabis a été légalisé, il n’y a pas eu d’explosion de la consommation de drogue ou de crimes liés à la drogue. La taille du marché noir a été réduite et des centaines de jeunes gens ont été épargnés d’avoir un casier judiciaire. Mais un marché régulé n’est pas un marché libre. Nous devons réfléchir avec précaution sur ce qui a besoin d’être régulé, et de ne pas l’être. Alors que la plupart de la consommation de cannabis est occasionnelle, modérée et non associée avec des problèmes significatifs, c’est néanmoins précisément à cause de ses risques potentiels qu’il a besoin d’être régulé »
Les Nations Unies peuvent prendre la tête d’un changement global ce printemps
Finalement, Annan appelle les leaders du monde entier à soutenir un changement mondial de la législation sur la drogue :
« Cette année, entre le 19 et le 21 avril, l’Assemblée Générale des Nations Unies tiendra une session spécial sur les drogues et le monde aura une chance d’amorcer un changement. Alors que nous approchons de cet événement, nous devons nous demander si notre politique tient la route. Plus spécifiquement, comment traiter ce que le Bureau des Drogues et du Crime a appelé des « conséquences inattendues » des politiques des 50 dernières années, qui ont aidé, entre autres choses, à créer un marché du crime organisé international qui aliment la violence la corruption et l’instabilité ? »
L’occasion pour nous de rappeler qu’une équipe de Français se déplacera sur cet événement et a lancé une campagne de crowdfunding pour financer leur présence sur place.
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