Emmanuelle Auriol vs. Nicolas Prisse : rationalité vs. prohibition
Edito. Du 7 au 9 novembre 2017, se tenaient à Lyon les 10èmes Journées de l’Economie. Au programme notamment, une conférence sur l’économie du cannabis.
En marge de l’événement, l’émission « L’Autre Direct » a interviewé deux des intervenants : Emmanuelle Auriol, économiste et professeure à l’Ecole Supérieure de Commerce de Toulouse, et Nicolas Prisse, directeur de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Avec deux pertinences très différentes.
Emmanuelle Auriol, économiste
Emmanuelle Auriol explique dans la vidéo ci-dessous une partie des raisons qui la poussent à défendre la légalisation du cannabis.
Elle expose en premier lieu son point de vue d’économiste. Pour elle, la concurrence très forte entre les dealers pousse les prix vers le bas et rend le cannabis plus attractif et disponible qu’il ne serait dans un système régulé par l’Etat.
La prohibition du cannabis supprime l’offre légale et force la demande à aller se fournir où elle peut. Le coût social de la prohibition est alors très fort alors même que la répression coûte un bras. Pour Emmanuelle Auriol, l’Etat devrait reprendre le contrôle du marché du cannabis, avec pour but de réduire les consommations.
Elle réagit aussi très vivement à l’argument du devenir des « quartiers » en cas de légalisation. Son avis est que l’argent issu de la fiscalité des ventes légales doit être redistribué en partie dans les zones qui en ont besoin, et qu’on ne peut pas se contenter de ne pas légaliser au prétexte que certaines zones vivraient du trafic.
Egalement, elle met en exergue que le marché noir de la drogue est un marché de la demande et que l’usager est rationnel. Elle pense ainsi que le consommateur ne se tournera pas vers des drogues plus dures si le cannabis était légalisé, et que l’argument de la conservation de la prohibition pour empêcher une offre de drogues plus dures est « stupide ». « C’est comme si on disait : on va interdire aux gens de sauter à l’élastique parce que sinon ils vont se jeter du haut des immeubles » explique-t-elle.
Nicolas Prisse, prohibitionniste
Presque plus intéressante que l’intervention de Mme Auriol, celle de Nicolas Prisse. Mais pas forcément pour les bonnes raisons. Si vous cherchez un argument un tant soit peu moderne ou une parole sortant du « cadre officiel », ne regardez pas la vidéo ci-dessous.
En revanche, au vu du niveau de Mr Prisse, nous allons sortir de notre réserve habituelle.
Pour Mr Prisse, le cannabis n’est pas « un produit du marché » ou un produit de consommation courante. Ses arguments sont qu’il n’y a pas qu’un seul cannabis (Mr est botaniste ?), que les usagers ne sont pas rationnels dans leur consommation et leurs achats du fait de leur dépendance, et que le cannabis est dangereux, mais « pas forcément plus dangereux [que l’alcool] » dit-il.
A la question de savoir si l’interdiction du cannabis est efficace au vu des consommations françaises, Mr Prisse répond que c’est « un raccourci ». Plutôt que l’échec d’une politique de répression, Mr Prisse pose la question de savoir si ce n’est pas plutôt l’échec d’une politique de prévention et de lutte contre le trafic (c’est presque la définition d’une politique publique des drogues, qui a choisi la répression, mais passons).
Mr Prisse ne prend ensuite pas du tout de raccourci en expliquant qu’aujourd’hui, la seule raison évoquée pour justifier la légalisation du cannabis est que les Français en fument beaucoup, « même si ça peut présenter des avantages économiques » précise-t-il.
Il rappelle lui-même qu’on est « champion d’Europe d’un sport un peu particulier » à savoir l’usage de cannabis chez les jeunes tout comme celui de l’alcool. Il rappelle également les nombreuses études pointant la dangerosité du cannabis chez les jeunes (c’est pas comme si tout le monde le disait, la situation actuelle étant très efficace contre l’usage des jeunes. Ha bah non, en fait, pas du tout), ou l’arrêt du tabac rendu plus difficile par le cannabis (wtf ?!).
En cas de légalisation, le système n’arriverait pas à réguler la consommation des mineurs car, de l’aveu de Mr Prisse, le tabac et l’alcool n’y arrivent pas. Consommateurs adultes, vous savez qui blâmer s’il n’y a pas de cannabistrot en France !
Mr Prisse poursuit son interview par un soutien à la contraventionnalisation, qui consiste pour les consommateurs récréatifs en un rappel à la loi avec une peine et une amende d’un niveau acceptable et dissuasif (!), et égratigne au passage la pénalisation actuelle qu’il ne juge pas « miraculeuse ».
Le bouquet final, Mr Prisse finit en expliquant que « la politique de lutte contre le trafic doit être en capacité de mieux réguler l’offre dans la rue « .
Mr Prisse, on vous sent le cul entre deux chaises là. Au lieu de réguler l’offre dans la rue, ne vaudrait-il pas mieux l’y en sortir ? Ou alors, comme Mr de Rugy nous l’a bien suggéré, la ligne officielle n’étant pas la légalisation, vous ne pouvez pas sortir de votre « mission », au risque d’avancer autant que vos prédécesseurs sur le sujet du cannabis ?
De notre côté, nous avons bien écouté ce qu’a dit Mr Macron pendant sa campagne. Suivez ses conseils : disruptez !
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