Canada : le marché noir du cannabis captera toujours 71% de la demande en 2019, et 37% en 2020
La légalisation du cannabis au Canada avait deux principaux objectifs : éloigner les mineurs du cannabis et annihiler le marché noir, objectif qui s’avère souvent plus complexe qu’il n’y parait. Après six années de légalisation, l’Uruguay n’est toujours pas parvenu à éliminer l’offre de produits illégaux bien que le pays soit en bonne voie. Quant au Canada, la légalisation est encore récente et, pour l’instant, l’offre légale n’est pas assez compétitive pour espérer se substituer au marché noir.
Les obstacles que rencontre le Canada
La confection d’une nouvelle régulation n’est pas chose aisée. Certains effets indésirables non anticipés parviennent parfois à limiter la mise en place de la légalisation. L’industrie cannabique naissante rencontre alors un certain nombre d’obstacles logistiques qui se traduisent par des retards de production, qui détournent finalement le consommateur de l’offre légale. Dès les premiers jours de la légalisation canadienne, des pénuries sont survenues qui, selon les analystes, sont susceptibles de durer plusieurs années le temps que l’industrie fonctionne à plein régime.
Ces pénuries ont été causées par plusieurs facteurs parmi lesquels la faible quantité de producteurs dont les produits sont autorisés pour la vente au détail. Pourtant, les candidats ne manquent pas : déjà en mai 2018 Marijuana Business Daily soulignait le fait que plus de 500 candidatures avaient été déposées auprès de Santé Canada pour l’obtention d’une licence de culture. Ici, c’est la lenteur de la bureaucratie qui pose problème puisqu’il faut en moyenne presque un an pour qu’une candidature soit traitée.
Un autre facteur important : les restrictions importantes sur le packaging ont causé une pénurie d’emballages qui a retardé les livraisons de cannabis. Ces restrictions, ajoutées aux taxes qui pèsent sur l’industrie, ont créé des prix élevés qui ne sont pas du tout compétitifs comparés aux prix pratiqués sur le marché noir. Qui plus est, ces prix n’ont de cesse d’augmenter. Comme l’indiquent les statistiques de Statistique Canada, ils auraient augmenté de 17,4% depuis octobre creusant un peu plus l’écart entre le marché noir et le marché légal.
Une étude conduite par les analystes de Scotiabank estime que le marché noir contrôlera toujours 71% des ventes de cannabis en 2019. Cette proportion pourrait tomber à 37% en 2020 une fois que les problèmes d’emballages et de bureaucratie seront réglés. « Il y a toujours une marge d’amélioration possible » nous explique Deepak Anand, vice-président de NORML Canada. « Le gouvernement du Canada a beaucoup insisté sur le fait que cela [la légalisation] était un processus et non pas un événement. Le gouvernement apprend en même temps que l’industrie ». En attendant, cela représente un manque à gagner énorme pour une industrie nouvelle qui doit prouver sa valeur aux investisseurs.
Les leçons de l’Uruguay
L’Uruguay aussi a connu des défis similaires quand il a légalisé le cannabis en 2013. Il a autorisé l’accès au cannabis par trois voies : l’auto-culture dès 2014, les coopératives de culture ou cannabis clubs en 2015 et les ventes légales en pharmacies en juillet 2017 seulement. Ces dernières, malgré leur coup très bas (environ 1$30 le gramme), ne sont pas l’option la plus populaire. Cela s’explique notamment par le fait que seules 17 pharmacies sont autorisées à vendre du cannabis légal et qu’elles rencontrent régulièrement des problèmes d’approvisionnement car il n’y a que deux producteurs autorisés pour tout le pays. Egalement, le taux en THC des variétés a été limité au début à 2%, puis maintenant 9%.
Le gouvernement reconnait néanmoins que « la situation actuelle empêche le développement adéquat du système et des résultats attendus comme la réduction de l’offre illégale, l’expansion progressive de l’usage d’un produit contrôlé et le changement vers des pratiques de consommation à moindres risques ». C’est pourquoi il considère actuellement l’accord de licences additionnelles.
Selon un rapport récent émanant de l’Institut de Régulations et de Contrôle du Cannabis (IRCCA), plus de 22 millions de dollars de ventes ont déjà été détournés du marché noir : 12% grâce aux ventes en pharmacies, 68% grâce aux consommateurs qui cultivent leur propre cannabis et 20% grâce aux clubs. Les ventes légales ont pour la première fois dépassé les ventes illégales en juillet dernier, un objectif ambitieux aujourd’hui pour le Canada.
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