Le cannabis est-il vraiment plus puissant qu’avant ?

Le débat autour de la puissance et de la teneur en THC du cannabis revient souvent : le cannabis serait trois à quatre fois plus puissant aujourd’hui que dans les années 70. Mais qu’en est-il vraiment ?

Certains l’affirment clairement et simplement alors qu’ils n’ont jamais fumé. D’autres avancent que les méthodes de consommation du cannabis changent et que la plupart tire des plus petites lattes. Dans tous les cas, cette prétendue augmentation de la puissance du cannabis fait peur.

Le THC est le principal cannabinoïde du cannabis, mais n’est pas la seule substance active. Ce serait oublier le cannabidiol ou CBD qui a également des effets relaxants et analgésiques, sans les effets psychoactifs du THC. Il limiterait d’ailleurs l’action psychoactive du THC, tout en augmentant ses propriétés thérapeutiques, dans ce qu’on appelle effet d’entourage. Le cannabis possède forcément ces deux composants, dans des ratios qui varient selon les variétés de cannabis.

Depuis que les techniques de culture se développent, parfois dans des proportions industrielles, le taux de THC augmente par rapport à celui du CBD. Une étude a comparé 38 681 échantillons de cannabis entre 1995 et 2014. Entre ces deux dates, le taux moyen de THC est passé de 4 % à 12%. En 1995, le taux de THC s’élevait à 14% du taux de CBD dans le cannabis (un ratio THC/CBD de 0,14:1). Aujourd’hui le THC se situe aux alentours de 80% du taux de CBD dans les extraits de cannabis (ratio de 0,8:1).

Ces augmentations de teneur en THC sont en partie dues aux mix génétiques développés par les cultivateurs de cannabis, mais aussi au perfectionnement des techniques de production : hydroponie, engrais, culture indoor avec lampes et ventilateurs. Ces variétés n’ont plus rien à voir avec le pied nourri à l’eau et au soleil.

Par ailleurs, les études se basent uniquement sur le cannabis saisi par les douanes ou lors de descentes policières. Très peu d’études concernent le cannabis fait maison par des jardiniers amateurs, même si la recherche de variétés plus puissantes existe aussi de ce côté-là.

La teneur en THC augmente mais la dose diminue

Si les politiques s’inquiètent de cette hausse de teneur en THC, ils ne prennent pas en compte le contenu moyen d’un joint. Dans les pays où le cannabis est encore illégal, un joint moyen contient environ 0.3 grammes de cannabis. Dans les années 70 et 80, le contenu moyen d’un joint était situé autour d’1 gramme. Ce qui permettait à nos aînés de fumer pur leur précieux sésame.  Le taux de THC a été multiplié par 3 mais la dose divisée par 2.5. Ce qui sous-tendrait un faible changement du THC ingéré.

De plus, un fumeur régulier connait la dose nécessaire pour obtenir l’effet escompté. Le danger si situe alors plus chez les primo-consommateurs qui méconnaissent leur produit ou leur tolérance au cannabis.

Un autre facteur limitant est le prix du cannabis. Celui-ci a considérablement augmenté depuis 20 ans. Les fumeurs des années 80 touchaient le cannabis à 10 francs le gramme soit moins de 2€. Aujourd’hui, c’est plus aux alentours de 10€ le gramme sur le marché noir. Cette hausse du prix, qui peut être un frein pour certains, est dû à l’augmentation de la demande, mais aussi au facteur risque et aux charges liées à la culture indoor, qui certes prend moins de temps qu’en extérieur, mais consomme beaucoup d’électricité.

Dans les pays où le cannabis est réglementé, les consommateurs ont le choix du produit. L’étiquetage est obligatoire avec l’indication de la teneur en THC, des effets potentiels et du prix. Dans ces pays où des variétés à très forte teneur en THC sont en vente, les études à long terme manquent encore. Il faudra étudier sur les 10 prochaines années les conséquences d’une consommation fréquente de cannabis fortement dosé.

Théo Caillart