2 ans de légalisation du cannabis au Canada : ce qui a fonctionné et ce qui ne fonctionne pas
Demain, le Canada fêtera ses 2 ans de légalisation du cannabis. Si les retours d’expérience sont encore frais, ils permettent de se faire une idée de l’évolution d’un marché légal après 95 années de prohibition et de marché noir. Nous avions d’ailleurs déjà fait l’exercice au 1er anniversaire de la légalisation du cannabis au Canada.
Un marché légal…
La première réussite de la légalisation est d’être passé d’un modèle unique basé sur le marché noir à l’instauration d’un marché légal dont l’objectif est de concurrencer le premier. Selon les provinces, le marché légal a plus ou moins grignoté de parts de marché au marché illégal en deux ans.
L’Ontario Cannabis Store, seul distributeur en ligne autorisé en Ontario et fournisseur exclusif des magasins privés, estime avoir pris plus de 25% du marché du cannabis au 1er trimestre 2020. Le Québec, au travers de la Société Québécoise du Cannabis, croit lui avoir pris 50% du marché et table sur 75% d’ici 2 ans. La province se base sur 150 tonnes de cannabis consommées par an pour 8,5 millions d’habitants.
Sur l’ensemble du pays, Statistique Canada considère que 50,5% des dépenses liées au cannabis se fait dorénavant au marché légal.
L’accès au cannabis légal a notamment été accéléré par le déploiement des magasins de cannabis : l’Alberta en compte dorénavant plus de 500, l’Ontario presque 200 et le Québec seulement 70. Les services comme la livraison à domicile continuent à être testés, comme au Québec, ou déployés ailleurs.
Le prix des produits est aussi une forte composante de la compétitivité du marché légal, qui se place désormais à hauteur voire en-dessous des prix du marché illégal. Seule la qualité globale du cannabis légal laisse encore à désirer mais est en voie d’amélioration avec notamment l’arrivée des micro-producteurs qui confectionnent des récoltes de manière plus artisanale que les gros producteurs.
La légalisation 2.0, comprendre ici l’arrivée des aliments infusés au cannabis et des concentrés de cannabis en magasin, a fait émerger de nombreuses innovations de la part des producteurs sous licences. Les magasins proposent maintenant des chocolats, des bonbons, du thé, des biscuits ou des boissons, qui poussent aussi le marché du cannabis à se transformer dans ses formes de consommation.
Le cannabis contribue aujourd’hui à hauteur de plusieurs milliards de dollars à l’économie canadienne, 5,4 milliards de dollars canadiens en juin dernier selon Statistique Canada, et participe à son niveau à un renouveau économique, en particulier dans les régions rurales et éloignées du Canada.
En parallèle, la régulation du marché du cannabis n’a pas vu d’augmentation de consommation des jeunes, elle a même baissé, des accidents liés aux stupéfiants ou l’ordre public perturbé.
… encore immature
De nombreux aspects sont toutefois à améliorer sur ce marché légal encore naissant.
La transition des anciens acteurs illégaux vers le marché légal reste encore imparfaitement possible. Cette dynamique de transition permettrait à la fois d’offrir des opportunités basées sur leurs compétences à ces acteurs, mais aussi à inciter toujours plus de clients à passer au marché légal.
La distribution de plus de licences de micro-production servirait également ce propos. Au début de la légalisation, seuls les grands acteurs disposant d’un capital substantiel pouvaient participer au marché du cannabis. Les micro-licences permettent de rejoindre plus facilement le secteur, en plus de répondre au soucis du consommateur de connaître la personne qui a fabriqué le produit, à la manière des craft beers et autres bières artisanales.
L’impact écologique du secteur est aussi un angle d’amélioration. Au niveau du consommateur, les packagings en plastique noir vendus dans des emballages cartons produisent de nombreux déchets pour une petite quantité de cannabis. Si les producteurs sous licence commencent à utiliser des canettes en métal, une réelle transition est à faire en magasin.
Côté production, le Canada a émis peu de normes sur les pratiques de durabilité environnementale. Les opérations de culture ont ainsi un impact écologique important, notamment avec la production de CO2, la consommation d’eau et d’électricité et la création de déchets, les rebuts d’une production devant être détruits plutôt que réutilisés.
Autre point, celui de la justice sociale, la diversité et l’équité dans l’industrie du cannabis mais aussi dans la société canadienne. A l’image de certains Etats américains qui ont lancé de grandes campagnes d’effacement de casiers judiciaires pour d’anciens délits qui n’en seraient plus aujourd’hui, le Canada a pris peu de mesures concrète pour à la fois créer une industrie plus diversifiée et inclusive et réparer les dommages causés par la prohibition, notamment sur les communautés les plus affectées.
L’accès patient au cannabis médical est aussi régulièrement critiqué pour être insuffisant et représenter une trop lourde charge financière pour les malades.
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