Que s’est-il dit au colloque de l’Assemblée Nationale sur le chanvre bien-être ?
Le 11 juillet dernier s’est tenu à l’Assemblée Nationale un colloque sur le chanvre bien-être, à savoir les usages non-industriels du chanvre. Porté par le député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, Joël Labbé (sénateur du Morbihan), Sandrine Le Feur (députée du Finistère), Ludovic Mendes (député de la Moselle) et le Syndicat Professionnel du Chanvre (SPC), il a rassemblé plus de 250 personnes en salle Colbert autour de trois table-rondes. Le colloque s’est soldé par l’annonce par Jean-Baptiste Moreau de la création d’une mission d’informations sur les usages du cannabis qui se tiendra dès le mois de septembre.
Le colloque en détails
Introduction
Olivier Véran, député LREM de l’Isère, a commencé par rappeler son travail sur le cannabis thérapeutique et l’évolution du sujet en Europe. Il a profité de l’occasion pour annoncer que l’ANSM venait de valider les conclusions du CSST, avec une expérimentation encadrée qui devrait commencer d’ici la fin de l’année et qui répondra à la nécessité d’observer les besoins des patients. Il suit avec intérêt les questions autour du CBD.
Joël Labbé, sénateur porteur d’une mission sur l’herboristerie, a exprimé sa satisfaction de voir l’Assemblée Nationale s’emparer du sujet du cannabis, qu’il croit avoir beaucoup de vertus, en notant l’importance de co-construire le sujet avec plusieurs partis politiques.
Pierre-Yves Geoffard, co-rédacteur de la note du Conseil d’Analyse Economique qui appelait à une légalisation du cannabis en France, estime le marché du CBD en France à 100-150 tonnes de fleurs, soit entre 1 et 2 milliards d’euros de CA, avec des emplois principalement créés dans la distribution. Le marché du CBD est encore moins connu que celui du cannabis, et n’en représente qu’une partie. Il recommande donc la mise en place d’outils de monitoring fin pour suivre l’évolution de l’offre et adapter la politique publique.
1ère table-ronde : une nouvelle dynamique pour les agriculteurs et entrepreneurs ?
Lorenza Romanese, représente de l’European Industrial Hemp Association (EIHA), organe européen qui rassemble les agriculteurs du chanvre et les transformateurs, voit dans le chanvre un moyen de redonner vie aux endroits ruraux et a appelé à la libération de la fleur et de la feuille pour le marché bien-être, tout en rappelant les multiples utilisations du chanvre et ses vertus écologiques sans commune mesure. Le marché et l’industrie sont prêts, il ne reste plus qu’à donner un cadre réglementaire clair.
Bruno Verdonnet et Jouany Chatoux, agriculteurs respectivement sur la frontière franco-suisse et en Creuse, n’ont pu qu’aller dans le même sens. Le CBD représente pour eux un complément de revenu salvateur et une possibilité pour l’Etat de revitaliser des territoires paupérisés.
2è table-ronde : innovations et reconversions, un potentiel économique important ?
Claude Alziar, du laboratoire Arkopharma, considère les enjeux du CBD autant d’un point de vue du bénéfice utilisateur que de l’opportunité économique qu’il représente, par exemple en remplacement des anxiolytiques actuels. Les autres pays commercialisent déjà ces produits, la France ne peut pas passer outre.
Cédric Heeb, représentant de la Communauté d’Intérêt du Chanvre suisse, conseille à la France de prendre son temps, notamment car cela permet à la Suisse de faire beaucoup d’affaires. Il rappelle le contexte d’une prohibition qui n’apport rien, et les mesures administratives suisses qui ont permis le développement du marché du CBD, notamment la limite de 1% de THC pour les variétés légales. En 2019, ce sont 600 entreprises qui travaillent sur le sujet, contre 5 en 2014.
Pour Laurent Depieds, président du Comité des Plantes à Parfum Aromatiques et Médicinales (CPPARM), le chanvre permet de travailler la biodiversité. Il souhaite ajouter cette plante à leur secteur pour créer une filière durable et viable pour le monde paysan.
Transition
Gilles Boin, avocat à l’origine de la première relaxe de magasins CBD, s’est permis de rappeler la réglementation actuelle autour du chanvre bien-être qui dépend d’un régime juridique différent du cannabis : le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne et la Politique Agricole Commune, qui ne prévoient aucune restriction sur les parties du chanvre à utiliser, et qui ont déjà prévenu les risques sanitaires potentiels. Le procès Kanavape, en plus de poser une épée de Damoclès au-dessus de la France, a poussé plusieurs relaxes pour les magasins vendant du cannabis CBD.
3è table-ronde : structuration de la filière pour un développement sécurisé et durable
Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère qui a participé à la mission herboristerie de Joël Labbé, a vu les questions autour du cannabis remonter lors de ce travail parlementaire. La filière industrielle du chanvre a fait un très gros travail pour se structurer au fil des ans. C’est maintenant au tour de la filière non-industrielle de ce faire.
Pierre-Yves Normand, chanvrier breton, va aussi dans ce sens. Les déchets actuels du chanvre (les fleurs) sont potentiellement générateurs de nouveaux revenus en plus d’être une alternative ou un complément écologique.
Le constat est partagé par Marie Lehouck, qui représentait ce jour-là le ministère de la Transition Ecologique et qui a confirmé l’intérêt du ministère pour le chanvre.
Grégoire Torralba, PDG d’Entourage, entreprise de Français installée en Suisse, estime que la massification du marché ira plus loin que la seule fleur de CBD et concernera les clients historiques du cannabis mais surtout de nouveaux clients. Cet entrepreneur a dû partir en Suisse pour travailler en légalité, mais insiste sur la nécessité d’une réglementation en France, avec une filière labellisée et durable.
Annonce de la mission d’informations
Le colloque s’est ainsi terminé par l’annonce de Jean-Baptiste Moreau de la création d’une mission d’informations sur les usages du cannabis. L’enjeu de cette mission se pose en trois étapes :
- sur le cannabis thérapeutique, la nécessité de mettre en place une filière française de production de cannabis à usage médical, qui devra être opérationnelle au plus tard à la fin de l’expérimentation de l’ANSM
- sur le chanvre bien-être, l’urgence à créer une réglementation claire et orientée vers le développement d’une filière française du CBD
- sur le cannabis à usage adulte, l’envie d’une discussion de fond sur un sujet complexe, avec l’objectif d’éclairer le débat public et des recommandations pour les élections présidentielles à venir
La mission d’information sera portée par 4 commissions : la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, la commission des lois, la commission des affaires sociales et la commission des affaires économiques.
Elle devrait débuter dès septembre, sans calendrier officiel pour l’instant.
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izicbd974
24 juillet 2019 à 6 h 26 min
Merci ! un pas dans la bonne direction !!