Cannabis en France

Pourquoi la France ne légalisera pas le cannabis avant 2017 ?

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Edito. Brexit, Panama Papers, Nuit Debout, et maintenant la légalisation du cannabis en France. Les débats et mobilisations citoyennes s’enchaînent et ne se ressemblent pas. Côté cannabis, Jean-Marie le Guen a déclaré souhaiter, hier sur BFM TV, que le Parti Socialiste ouvre un débat sur le cannabis. Voici ce qu’on aime dans ce qu’il se passe aujourd’hui, ce qu’on n’aime pas, et pourquoi la France ne légalisera pas le cannabis avant 2017 (même si la tenue d’un débat est nécessaire).

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Ce qu’on aime

Les arguments de Jean-Marie le Guen

Jean-Marie le Guen s’attaque à un sujet tabou qui touche pourtant au moins 10% des français. En sa qualité de médecin, JMG sait que la prohibition pose un soucis majeur de santé publique. Le sujet est traité de manière pénale plutôt que sanitaire et résulte en des arrestations massives (souvent des minorités arabes, là où aux USA la prohibition s’attaque surtout aux Noirs), une surpopulation carcérale et un engorgement des tribunaux pour des délits mineurs. Les malades sont, eux, mal accompagnés par manque de prévention et d’informations auprès des professionnels de santé.

JMG reprend également un argument qui sera discuté pendant l’UNGASS 2016 : la prohibition est un échec. Sans afficher une volonté officielle du gouvernement, JMG soumet l’idée de s’orienter vers un marché contrôlé par l’Etat, avec des politiques d’éducation et de santé publique. Rien de fou pour les personnes qui s’intéressent à l’industrie actuelle du cannabis, mais qui a du mal à faire son chemin dans l’Hexagone.

Demande d’un débat sur le cannabis au PS

Mais surtout, JMG demande un débat à l’intérieur du Parti Socialiste. La ligne officielle, défendue par François Hollande, aboyée par Manuel Valls et Stéphane Le Foll, est “qu’il peut y avoir un débat mais que le débat est clos” ou encore “qu’il n’y a pas de débat inscrit à l’actualité du gouvernement”. C’est comme fermer la porte au nez d’une personne qui n’a pas encore frappé. Alors bien sûr, quand t’es chez toi et que t’as pas envie d’être dérangé, tu as le droit. Mais quand t’es un gouvernement élu par tes citoyens, c’est un refus de démocratie.

Les Républicains ne sont pas mieux. D’Estrosi à MAM, tous conspuent la proposition de Jean-Marie le Guen, souvent en demandant plus de prohibition face à une prohibition qui a échoué. Tu te souviens de la dame de la cantine qui te remettait des carottes alors que tu n’aimais pas ça ? T’aimes les carottes aujourd’hui ? Pareil.

Les pro-légalisations ou les politiques qui s’interrogent uniquement sur la tenue d’un débat sont bien trop souvent situés aux extrêmes pour être entendus. Donc, oui, JMG, continue !

La différence entre un bon et un mauvais politique

On va pouvoir séparer les politiques qui s’intéressent au sujet d’un côté, et les autres. Numéro 1 dans la liste des gros nazes : Laurent Wauquiez en interview sur RTL ce matin (les 2 premières minutes ci-dessous). Numéro 1, uniquement parce qu’on l’a vu en premier, il doit y en avoir d’autres ailleurs 😉

Wauquiez commence par cette déclaration : “le gouvernement ne comprend rien à la France” (jusque là, pourquoi pas). Il continue : économie qui plonge, taux de chômage qui ne cesse d’augmenter, pouvoir d’achat des classes moyenne en berne, terrorisme. “Et le gouvernement a trouvé la solution : on va dépénaliser le cannabis. Sincèrement, est-ce que tout ça est sérieux ?”.

Alors oui, Laurent, on te repose la même question. Est-ce que tu es vraiment sérieux ? La légalisation du cannabis n’est pas la panacée, on ne te dit pas que tout va s’améliorer, qu’il n’y aura plus ni gauche ni droite et que les Israéliens iront offrir des fleurs aux Palestiniens. Mais, Laurent, regarde de l’autre côté de l’Atlantique. Est-ce que la légalisation du cannabis ne pourrait pas donner un nouveau souffle à une économie qui se cherche ? Créer des nouveaux emplois ? Couper un levier de financement pour certaines organisations terroristes ? On ramasse les copies dans 5 minutes.

Ce qu’on n’aime pas

Le timing de la déclaration

C’est un élément de langage qui revient souvent dans la bouche des détracteurs de Jean-Marie le Guen. Sa proposition ne serait qu’un écran de fumée destiné à apaiser les jeunes. JMG veut légaliser pour les +21 ans, ça ne toucherait pas les lycéens, mais bon, on ne peut pas leur en vouloir.

Trop souvent le débat sur la légalisation du cannabis a servi à aller chercher des voix ou créer de la diversion. Sans remettre en question la volonté du ministre, le timing est tout sauf idéal. Panama Papers, ho, un débat sur le voile islamique. Nuit Debout ? Ho, le cannabis ! La ficelle (pas en chanvre celle-là) est un peu grosse. Mais au fond, qui a besoin d’un timing pour s’exprimer quand un triple-meurtre en lien avec des affaires de stupéfiants a été commis la semaine dernière ?

Manque de mobilisation citoyen et associatif

Les légalisations sur le continent américain sont toutes issues d’un mouvement citoyen, appuyé par des médecins, des avocats, des politiques et des financiers. Où sont les associations dans ce débat ? Existe-t-il une voix capable de rassembler la dizaine d’associations françaises sur le cannabis ? Pourquoi n’entend-on pas plus les personnes publiques qui aimeraient aussi ce débat “porter assistance” à Jean-Marie le Guen ? Où sont Cécile Duflot ? Olivier Besancenot ? Daniel Vaillant ? Bertrand Dautzenberg ? Jean-Michel Apathie ?

Les événements français à venir dresseront un tableau de la mobilisation autour de ce sujet : la marche mondiale du cannabis 2016 le 7 mai partout en France et le 14 mai à Paris, et l’appel du 18 joint qui commence à s’organiser. Pour l’instant, c’est un peu : Mais t’es où ? Mais t’es pas là…

Une légalisation du cannabis en France avant 2017

Soyons brefs sur celle-là. La raison principale pour laquelle le cannabis ne serait pas légalisé avant 2017 tient en un mot : agenda.

Agenda politique d’une part avec l’arrivée des élections. Le cannabis fera peut-être partie des éléments de campagne. Récupérateur de voix ou volonté réelle, il faudra que les candidats soient aussi sincères que Justin Trudeau pour que cela serve vraiment à quelque chose.

Et agenda logistique de l’autre. Une légalisation du cannabis ne se met pas en place du jour au lendemain. Le Colorado a mis plus de deux ans, le Canada devrait être sur le même planning. Il faut décider quel chemin emprunter, changer les lois, organiser les instances de contrôle et de sécurité, mettre en place un système de licences, créer les conditions de réussite pour un marché légal, etc…

La France choisira peut-être d’emprunter le même chemin que ses voisins européens, et au moins donner à ses malades le droit d’accéder au Sativex et aux autres bienfaits thérapeutiques prouvés du cannabis. La condition nécessaire pour cela est d’éduquer la classe politique et les citoyens français sur ce que représente une légalisation.

Beaucoup trop de gens imaginent la légalisation comme une arrivée massive de 35t remplis de beuh qui vont venir déverser leur chargement dans les rues de leur petite ville tranquille, une jeunesse défoncée, sans volonté, droguée.

Alors que c’est bien au contraire sortir le cannabis des ghettos et des quartiers, le mettre dans une boutique avec pignon sur rue, encadré par une autorité sanitaire, taxé par l’Etat (ou pas selon les schémas).

C’est permettre à des associations de malades de faire pousser des variétés de cannabis qui sont efficaces pour leur condition médicale. Ce serait arrêter de briser des vies à cause d’une boulette de shit dans une poche.

C’est pouvoir faire de la prévention dans les collèges et les lycées sur les dangers du cannabis. Et c’est aussi accompagner la reconversion de personnes dans une industrie illégale vers un marché légal. Tout un programme, hein Laurent ?

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