Cannabis en France

L’Obs, Le Guen, Touraine et la légalisation

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Edito. Ce n’est malheureusement pas une fable, mais l’actu “débat sur le cannabis” du moment en France. Le dernier numéro de l’Obs arborait sur sa couv’ une feuilles à 7 lobes et un gros titre “Cannabis. Et si on légalisait ?”. Sous-titre : “Les réponses des médecins, des politiques et des experts”.

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Il n’y a pas vraiment de bonne façon d’ouvrir un débat. Mais il y en a des mauvaises. L’Obs navigue entre les deux dans son dossier de 10 pages.

Et si on légalisait ?

Le 1er volet dresse le constat que la prohibition française n’empêche pas la consommation de cannabis sur le territoire. La France est l’Etat européen le plus prohibitif et pourtant celui où la consommation est la plus grande, devant les Pays-Bas, l’Espagne ou la République Tchèque. Les arguments de la légalisation sont bien rappelés : arrêter le tout-répressif et basculer sur une politique de réduction des risques, assécher les trafics, créer une économie officielle, contrôler la qualité des produits, stabiliser la consommation.

L’article est entrecoupé de témoignages de personnalités politiques. Dans le camp des pro-légalisation : Bertrand Dautzenberg (pneumologue), Jean-Christophe Lagarde (UDI), Stéphane Gatignon (maire de Sevran) et Jean-Marie Le Guen. Dans le camp des anti : Marisol Touraine (Ministre de la Santé), Bruno Beschizza (ex-secrétaire du syndicat policier Synergie Officiers, et maire d’Aulnay-sous-Bois dans le 93), Etienne Apaire (Ancien Président de la MILDT).

Je ne crois pas que l’article convaincrait une personne n’ayant pas d’avis sur le sujet. On y survole beaucoup de sujets, et contrario, les bases sont posées pour aller plus loin. On regrettera juste la définition donnée du THC : “le principe actif cannabinoïde présent dans la plante”. L’Obs, si tu nous lis, on aurait parlé d'”un des cannabinoïdes (principe actif) présent dans la plante, en l’occurrence le composé psychoactif”.

Le 2ème volet donne un aperçu de la “culture weed“. On tombe dans le cliché du jeune à sweat à feuilles, qui se réveille en allumant un joint et qui écoute Snoop Dogg en regardant How High. Je ne sais pas si l’Obs aurait fait un dossier sur la bière en parlant de Raymond, casquette Cochonou et pilier de comptoir, qui regarde Groland en essayant de ressembler à Depardieu. Mais bon, pourquoi pas. C’est aussi un aspect du monde des stoners.

Le 3ème et dernier volet, le plus abouti, relate le “business florissant au Colorado”. Pour le coup, le sujet est maîtrisé. La journaliste habite apparemment au Colorado, et ça se sent ! C’est presque un article qu’on aurait pu écrire 🙂

Pourquoi sommes-nous restés sur notre faim alors ? Tout simplement parce qu’il manque quand même un sacré paquet de choses. On en retiendra deux. En premier, l’aspect thérapeutique. On sait que Marisol Touraine est contre, mais quand même. On ne peut passer au-dessus d’un sujet sur lequel 15 pays européens parmi les 27 ont voté pour. Ou 26 Etats sur 51 aux Etats-Unis. Assez invraisemblable.

Et en deuxième, les consommateurs. A part Rodolphe, 20 ans, caleçon à feuilles et fin connaisseur des coffeeshops d’Amsterdam (le “cliché” du deuxième volet), où sont-ils ? Que veulent-ils ? Quelle est leur vision de la législation ? Préfèrent-ils rester cachés pour vivre heureux ? Une dépénalisation leur irait-il ? Une légalisation sous contrôle de l’Etat ? Une autorisation de cultiver chez soi ? Pas un mot non plus sur les associations pro-léga ou sur les associations de patients et de malades.

Certaines personnes tentent de faire bouger les choses. Il est dommage de ne pas l’avoir rappelé plus fortement.

Morale de l’histoire

La presse classique aura retenu de ce dossier que Jean-Marie Le Guen veut un référendum sur le sujet. Et que Marisol Touraine est contre la légalisation ou la dépénalisation. Mais pas forcément contre un débat. Elle demande en revanche de se mettre d’accord au préalable sur les objectifs d’une réforme légale, avec au choix un objectif de santé publique, de lutte contre les mafias ou de désengorgement judiciaire. On ne pourrait pas faire les 3 en même temps ? Ha.

On laissera quand même deux bons points à Marisol Touraine. Elle déclare tout d’abord qu’il faut regarder les expériences étrangères (Uruguay, Washington, Espagne, etc…) pour savoir quoi faire en France et comment. Et ensuite qu’ouvrir un débat de fond à un an d’une présidentielle est le meilleur moyen pour qu’il devienne un attrape-votes plutôt qu’une volonté réelle de changement.

On ne peut qu’être d’accord. Et en même temps, c’est un sujet qui, s’il était abordé d’un côté législatif et sanitaire, devrait normalement dépasser le cadre et l’agenda politiques. Le Canada l’a bien compris. Mais n’est pas Justin Trudeau qui veut !

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