[Interview] Bruce Linton : “L’objectif est d’arriver tôt”
A l’occasion du lancement d’Oskare Capital, fonds européen destiné à investir dans les entreprises du cannabis, nous avons interviewé Bruce Linton, fondateur de Canopy Growth et président d’Oskare Capital.
Cette interview a été éditée pour plus de clarté.
Newsweed : Pour beaucoup d’entrepreneurs du cannabis, vous êtes la personne qui a construit un empire valorisé à 10 milliards de dollars à partir de rien. Comment vous décririez-vous pour une personne qui ne connaît pas Bruce Linton ?
Bruce Linton : Je dirais que je n’ai pas commencé avec le cannabis et que je ne pense pas finir avec le cannabis. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles Canopy était et est la plus grande entreprise du cannabis et je pense que c’est parce que nous avons pensé international, nous avons pensé à la croissance, nous avons pensé à la propriété intellectuelle.
Tout ce processus commence quand les gens parlent de la façon dont ils cultivent une plante, puis de la qualité de la fleur et pourquoi elle est de qualité supérieure. Mais rapidement la conversation passe des grammes aux milligrammes. Cette conversation sur le milligramme concerne la science et la façon dont vous tirez tout de la plante, puis comment vous le mettez dans un format qui atteindra son objectif, peu importe sa forme, en boisson pour le récréatif ou dans un système de dispensation pour une maladie gériatrique spécifique ou des soins vétérinaires.
Je dirais que je me décris comme quelqu’un qui s’intéresse beaucoup à la façon dont nous continuons à changer les choses, de sorte que nous avons de plus en plus de disruptions sur un marché de plus en plus grand. Et donc au moment où j’ai été licencié, je pense que nous avions une plate-forme très disruptive pour les boissons et l’alcool, pour les personnes âgées, les soins vétérinaires.
Aujourd’hui, nous voulons faire la même chose en Europe et je pense que l’expertise scientifique et pharmaceutique ainsi que l’intégration académique dans une bonne plateforme réglementaire, signifie qu’entre le Royaume-Uni et l’Europe, si nous avons du capital, nous pourrions prendre plusieurs technologies et les amener dans le monde des cannabinoïdes et être très disruptif et prendre de l’ampleur.
NWD : Vous vous concentrez aujourd’hui en particulier sur l’investissement et le financement. Quelles sont les tendances dans l’investissement dans le cannabis ?
B.L. : Alors je dirais que les futures tendances dépendent de chaque type de produit, que ce soit pour la fibre de chanvre ou pour les cannabinoïdes rares, ou pour des produits récréatifs qui sont réellement efficaces. L’essentiel est que chaque catégorie de produits est inachevée. Chaque catégorie a une suite. Imaginez que dans les soins vétérinaires, vous ajoutez 1 an de vie de qualité supplémentaire à votre vieux chien. Combien payez-vous pour cela ? Pour chaque segment, on peut proposer quelque chose. C’est d’ailleurs incomparable à tout autre sujet auquel je peux penser.
NWD : Vous lancez un fonds d’investissement en Europe, Oskare Capital. Pourquoi le faire ici et maintenant ?
B.L. : Je suis en Europe depuis longtemps. L’entreprise que j’ai créée a été la première entreprise à importer du cannabis des Pays-Bas au Canada. La première entreprise d’Amérique du Nord à expédier en Allemagne est celle que j’ai créée. Nous opérions en Pologne, en République tchèque. Au Danemark, nous avons construit le premier actif de production, en Allemagne aussi, nous étions actifs avec du chanvre en Espagne, nous avons des activités internes en Italie. Par le biais de Canopy Rivers [ndlr: la filiale venture capital de Canopy], nous avons financé une plateforme EU-GMP d’extraction et pharmaceutique en Italie. Nous avons conclu un accord avec une entreprise en Angleterre pour utiliser leur propriété intellectuelle.
Je suis donc actif dans 6 ou 7 pays depuis plusieurs années. Et j’ai accueilli de nombreux régulateurs de nombreux pays européens au Canada et d’autres pays en dehors de l’Europe pour comprendre ce que faisait le Canada et comment nous l’avons mis en œuvre.
Je pense avoir une très bonne connaissance du marché, du cadre réglementaire, des régulations nécessaires pour tel cannabinoïde. J’étais en Grèce en novembre pour pousser les régulateurs sur leur marché médical et leur expliquer pourquoi ils devraient ouvrir un marché récréatif.
Et puis nous avons rencontré le bon groupe de personnes et nous avons créé Oskare. Mais c’est sûr que ce n’est pas comme si j’avais profité de mon licenciement en juillet dernier pour voir ce qui se passait en Europe. J’étais déjà en Europe. Nous avons fait 3 grosses acquisitions au Royaume-Uni / Europe, nous avons acheté Storz und Bickel, nous avons acheté C3, le plus grand fournisseur de THC en Allemagne, et nous avons acheté This Works au Royaume-Uni afin de créer une plate-forme CBD. C’est donc très confortable de déjà connaître le marché.
NWD : Avez-vous rencontré des difficultés à créer un fonds pour le cannabis en Europe ?
B.L. : Écoutez, j’espère que c’est difficile et je m’attends à ce que ce soit difficile. Parce que vous savez ce qui se passe quand c’est difficile, la plupart des gens ne réussissent pas. Le financement de Canopy a pris 16 tours de financement, ce qui était un peu difficile. Le financement de Rivers a nécessité 5 cycles de financement. Pendant le Covid, j’ai levé 4 fois, une fois pour 150 millions de dollars pour une discussion sur du chanvre, 10 millions pour Vireo, 6,5 millions pour un logiciel. Je m’attends à ce que soit difficile. Vous ne pouvez pas contrôler la difficulté mais vous pouvez contrôler votre réaction. Je pense donc que nous sommes bien placés pour réagir et réussir.
Dans environ 2 ans, faire cela en France ou aux États-Unis serait une excellente idée. Tout le monde va le faire. Le problème est que nous saurons déjà quelles sont les opportunités, où sont les technologies. Une partie de notre expertise et de notre objectif est de savoir où être les premiers à investir et à aider les entreprises à protéger leur propriété intellectuelle. Et donc, nous suivre sera un défi car nous aurons notre réseau et nos activités en cours et les gens réussiront avec nous.
NWD : Quelle est la stratégie du fonds ?
B.L. : Penser aux entreprises qui se forment autour d’idées formidables qui ont été développé hors des cannabinoïdes. Et travailler avec ces sociétés en leur apportant les capitaux nécessaires, c’est une formidable opportunité pour nous.
L’objectif est d’arriver tôt, de protéger leur propriété intellectuelle, de faire progresser l’entreprise, de lui obtenir un capital initial et d’amener notre réseau et davantage de capital à mesure qu’ils progressent. Les gens nous verront donc comme la base de la prochaine vague d’investissement et comme une aide, un mentor. Et nous apporterons plus d’argent de nos fonds et d’autres fonds parce que de nombreux fonds ne veulent pas y aller aussi tôt. Ils veulent aller en A-round, en B-round. Nous, nous voulons être là tôt. C’est un peu plus de travail, certaines personnes disent qu’il y a un risque, mais vous savez quoi, le risque peut être atténué en étant très bon dans la sélection. Et c’est aussi gratifiant parce que le prix est assez faible par rapport à une entreprise listée en bourse avec une capitalisation de 5 milliards de dollars et où vous devrez mettre beaucoup d’argent.
NWD : Avez-vous déjà financé des entreprises avec Oskare Capital ?
B.L. : Oui, nous en avons financé une [ndlr: Octarine Bio, une entreprise danoise]. C’était pendant que nous étions occupés à financer notre fonds. Nous l’aimons beaucoup et j’aurais aimé avoir fini de monter notre fonds parce que j’y mettrais plus d’argent maintenant. Si notre fonds avait été fait, je parie que nous aurions mis 2 à 5 millions de dollars pour qu’ils puissent aller sur la lune.
NWD : En tant qu’investisseur, comment voyez-vous la France ? Êtes-vous prêt à mettre des fonds ici ?
B.L. : La France en est un parfait exemple. Le fonds ne se met pas en place aujourd’hui car le marché est parfait. Le marché ne l’est pas. Le fonds se met en place aujourd’hui car la combinaison de la technologie et de l’évolution et les résultats qu’il peut créer doivent être prêts lorsque le marché sera prêt.
Et la France permet aux gens de faire de la recherche. Je travaille avec une entreprise en France, je ne dirai pas laquelle, ils ont une approche très nouvelle sur la façon de créer une diversité de cannabinoïdes rares et de cannabinoïdes non rares. Ce travail peut se faire en France avec des licences.
Et donc vous constaterez que nous avons probablement des investissements pour aller du Danemark à la France, et ça va être institution par institution, business par business, idée par idée, et c’est ainsi que notre portefeuille sera très diversifié.
NWD : Le marché du cannabis peut être un green dream pour certains. Que pourriez-vous dire à un entrepreneur un peu trop enthousiaste ?
B.L. : Le problème numéro un des entrepreneurs, dans les logiciels, dans le cannabis, c’est qu’ils sont très excités par leur innovation et promettent beaucoup.
Au lieu de cela, ils devraient se concentrer sur la raison pour laquelle le monde a besoin de ce qu’ils ont. Et se dire que s’ils ont de la chance, s’ils travaillent dur, cela pourrait marcher. Au lieu de cela, les gens me disent “ma méthode d’extraction est parfaite. Nous aurons une part de marché de 50% dans 1 an et demi, notre entreprise va faire un milliard de revenus”. Alors, la probabilité de décevoir est élevée.
Le problème est qu’ils essaient de tromper l’investisseur en obtenant un prix trop élevé pour leurs actions et sans se diluer. Ils veulent tout garder pour eux. J’ai toujours choisi l’autre approche. Il est préférable d’avoir tout le monde dans l’entreprise avec vous, et d’être dans une entreprise où tout le monde veut investir.
Rappelez-vous, nous avons fait 16 tours pour financer Canopy et 6 ans pour le construire. A chaque tour, les prix de la veille étaient inférieurs au prix du lendemain. Pendant 16 tours de suite, les gens ont gagné de l’argent. Et la raison pour laquelle c’est important, c’est que lorsque vous gagnez de l’argent, supposons que cela passe de 1 million à 2 millions de valorisation, quand je vous appelle en ayant besoin de plus d’argent, vous me rappelez, vous revenez, et vous gagnez de l’argent.
Certains personnes avec des valorisations si élevée et leur promesse si grosse font 1 tour de financement et ont tellement de pression sur eux que personne ne gagne de l’argent. Donc il vaut mieux ralentir, partager, revenir plus souvent et montrer qu’on avance plutôt que d’essayer de se valoriser fortement et de se sentir protégé. Vous ne pouvez pas vous protéger, vous ne pouvez qu’accélérer et vous rendre précieux.
NWD : Et quels seraient vos conseils pour des entrepreneurs du cannabis réalistes ?
B.L. : Une partie du problème que nous tenterons de résoudre avec Oskare est de savoir qui est raisonnable et qui ne l’est pas.
Si vous voulez lancer un business, faites-le pendant au moins cinq ans. Si vous le faites pendant 5 ans, le domaine dans lequel vous intervenez aujourd’hui aura été rendu plus facile ou plus difficile par votre travail. Allez-vous faire gagner les gens avec vous ou vous lancez-vous dans un pari que personne ne peut gagner ?
Si votre objectif est de partir naviguer en bateau et de jouer au golf, et si vous avez besoin de devenir riche pour ça, vous devriez peut-être acheter un billet de loterie. Ce n’est pas ce qui fait un entrepreneur. Les moments que j’aime dans les business que j’ai construits, c’est de vous en faire faire le tour, de vous faire visiter le bâtiment et de vous expliquer tout ce que nous avons fait, pourquoi nous l’avons fait et comment cela fonctionne. Parce que c’est à ce moment que le cerveau fonctionne et que les mains des gens le créent.
Le second conseil est la quantité d’énergie que les gens avaient en ayant un bon environnement de travail. Quand vous arrivez au travail, vous obtenez de l’énergie, vous n’en perdez pas. Le travail d’un entrepreneur est d’être un leader. Est-ce que vous emmenez les gens sur la voie que vous voulez qu’ils suivent ? Aiment-ils venir travailler ? Travaillent-ils à faire réussir le travail le plus vite possible, simplement parce qu’ils sont impatients d’y arriver ?
NWD : Et enfin, investiriez-vous dans un média cannabique ?
B.L. : Non mais c’est drôle parce que c’est difficile pour les médias de trouver de l’argent. Si je devais investir, je prendrais Newsweed et Cannabiz et quelques domaines et les fusionnerait ensemble, et je ferais en sorte qu’ils puissent être un peu plus internationaux, un peu plus gros mais avoir toujours une emprise locale. Parce que je pense, j’espère que vous gagnez de l’argent, mais qu’il est très difficile d’obtenir de la publicité et des revenus dans ce que vous faites, et qu’il est difficile de tirer des revenus d’abonnement.
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