L’expérimentation du cannabis médical prolongée d’un an. Les associations de patients condamnent.
La Direction Générale de la Santé (DGS) n’a pas attendu le bilan de l’expérimentation du cannabis thérapeutique – qui devait être remis au Parlement aujourd’hui – pour prendre sa décision. Elle a annoncé aux industriels et aux médecins dès vendredi dernier, et aux associations de patients ce matin, la prolongation de l’expérimentation du cannabis médical d’un an minimum.
La décision, imposée, est justifiée par la DGS par :
- le faible relai de l’expérimentation en médecine libérale (seuls 200 médecins libéraux y ont participé)
- le manque de données économiques sur les gains sur les traitements habituels auxquels les symptômes sont réfractaires – alors même que les patients soignés avec du cannabis sont en échec avec ces traitements et n’en prennent plus, nous précise-t-on
- la nécessité de se mettre en conformité avec des discussions européennes, sans toutefois vouloir attendre la fin de ces discussions
Une source médicale proche du dossier fait aussi état d’une résistance du ministère de l’Intérieur à la légalisation du cannabis à usage médical.
Les associations de patients condamnent la décision
La DGS a choisi d’annoncer la décision dans un premier temps aux industriels, et non aux patients, un timing que regrettent ces derniers. La DGS a reconnu ici une “maladresse”.
Dans un communiqué, les associations de patients “regrettent vivement n’avoir été ni consultées, ni même informées de cette décision, avant que celle-ci n’ait fuité dans la presse par un communiqué des représentants de la filière agro-industrielle. Cette méthode est symptomatique du peu de considération dont bénéficient les malades dans cette décision”.
Elles remettent par ailleurs en cause les raisons mentionnées par les industriels pour un report d’un an de la légalisation du cannabis médical en France.
“Les motifs invoqués pour prolonger l’expérimentation, à savoir l’impréparation de la filière agro-industrielle française et le risque de prise de positions d’acteurs étrangers sur le marché, ne sauraient en aucun cas dicter notre politique sanitaire. Privilégier des intérêts économiques à l’amélioration de la santé et de la qualité de vie de dizaines de milliers de malades souffrant de symptômes chroniques et lourdement invalidants constitue une rupture dangereuse avec l’éthique de santé publique et ne serait-ce que la doctrine du « quoi qu’il en coûte » adoptée au moment de la crise du Covid-19.”
Les associations réclament une mise à disposition dès mars 2023 et pour le plus grand nombre “des médicaments à base de cannabis issus de filières de production règlementées et conditionnés à une primo-prescription hospitalière et soumis à remboursement”.
Quelles suites ?
Mado Gilanton, Présidente APAISER S&C et représentante des patients au comité scientifique temporaire Cannabis thérapeutique de l’ANSM, s’inquiète qu’un report n’amène pas plus de résultat dans un an.
“Si prolongation il y a, nous demandons un engagement ferme pour que cette année de “report” serve à affiner les indications et à mettre à disposition les produits médicaux à base de cannabis sur le marché. Dans le cas contraire, la légalisation serait remise aux calendes grecques.”
Deux autres points restent également à éclaircir – le statut pharmaceutique de ces produits et le remboursement ou non par l’assurance maladie – un travail commencé en 2018.
Alors que le bilan de l’expérimentation du cannabis thérapeutique devait être remis selon le décret de 2020 au Parlement aujourd’hui, la DGS a dévoilé qu’il sera finalement remis aux députés seulement quelques jours avant les discussions avant le début des discussions du PFLSS 2023. Ce timing serré laissera mécaniquement peu de temps aux députés de préparer le sujet alors même que le travail parlementaire autour du PLFSS s’annonce particulièrement conséquent.
Les associations de patients invitent à une réunion d’information sur le sujet les députés en amont de cette date.
Aucune indication budgétaire n’a pour l’instant été communiquée autour du report de l’expérimentation. Les 3000 patients de l’expérimentation n’ayant pas été atteints, les fournisseurs actuels de cannabis médical pourraient se voir proposer de continuer à fournir gratuitement leurs produits. Un “allègement” du dispositif a aussi été évoqué, sans plus de précision.
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