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Colombie : la dépénalisation des drogues remise en question

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fumaton colombie

Ivan Duque, le nouveau président de la Colombie depuis le 7 août, a signé le 1er octobre un décret qui octroie de nouveaux pouvoirs à la police en matière de lutte contre le trafic de drogue. Cette dernière peut désormais saisir n’importe quelle quantité de drogue dans la rue, ce qui met fin à la politique actuelle de tolérance envers les consommateurs. La consommation de stupéfiants est dépénalisée en Colombie depuis 1994 jusquà’ une dose maximale d’1 gramme pour la cocaïne et de 20 grammes pour le cannabis.

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Par ce décret, quiconque est interpellé en possession d’une quantité en deçà de la dose minimale est passible d’une amende en plus de la confiscation du produit (le reste dépend de mesures pénales). Les toxicomanes doivent prouver que leur addiction est pathologique pour récupérer le produit confisqué bien que le gouvernement n’ait pas donné plus de détails sur la procédure. Pour de nombreuses organisations expertes en la matière, le décret est jugé inefficace et injuste.

https://twitter.com/IvanDuque/status/1046825726824120320

Que disent les chiffres

Cette initiative découle d’un constat d’échec de la lutte contre le narcotrafic : la production de stupéfiants en Colombie a en effet atteint des records en 2017 avec 171 000 hectares de production selon les chiffres de l’ONU. Le gouvernement se justifie d’une augmentation du trafic interne et de la consommation chez les jeunes. Pour le mandataire du décret, il s’agit de “détruire la drogue dans les rues de nos villes” et sur le tweet du président on peut lire le hashtag “nos enfants d’abord”. La mesure vise à lutter contre le micro-trafic qui “alimente et fortifie les organisations criminelles” en dissuadant les consommateurs considérés comme les “maillons faibles” de la chaîne. La logique est donc de réduire la demande pour réduire l’offre.

Une étude de l’Université Nationale de Colombie montre cependant que la production de stupéfiants, et en particulier de cocaïne, est majoritairement destinée aux marchés étrangers. La Colombie constitue environ 70% de l’offre mondiale de cocaïne. De l’autre côté, les États-Unis comptent pour un tiers de la demande et l’Europe Occidentale et l’Amérique Latine chacune 22 %. En Amérique latine, la Colombie occupe la 5e place en termes de demande.

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Cette mesure n’affectera donc pas la production. L’étude en conclut que les discours décrivant une augmentation exponentielle de la demande et du trafic interne sont en fait des déformations de la réalité.

Une mesure mal reçue

Selon les organisations DeJusticia et el Colectivo de Estudios Drogas y Derecho (CEDD) cette mesure est “inefficace et coûteuse, elle ne contribue pas à avancer vers une solution au problème des drogues, au contraire, elle promeut la discrimination et la stigmatisation des usagers”. Pour Isabel Pereira, coordinatrice au CEDD, cette mesure “augmentera les abus et la corruption de la police”. Qui plus est, la mesure ne permettra pas de faire la différence entre des usagers problématiques ou des usagers occasionnels et récréatifs”. Les deux organisations ont envoyé une lettre commune au gouvernement demandant l’abandon du décret.

Dans cette lettre, elles listent les raisons pour lesquelles elles condamnent le décret:

  • le décret n’apporte rien de nouveau, la destruction du produit était déjà de facto dans les prérogatives de la police.
  • la mesure est inefficace contre le micro-trafic et les ressources policières devraient être redirigées vers la poursuite des leaders d’organisations criminelles et les intermédiaires par lesquels ils blanchissent l’argent.
  • le décret est discriminant puisque ce sont souvent de jeunes hommes pauvres qui sont interpellés alors que le trafic inonde toutes les couches sociales. Il comporte entre autres des risques d’abus et de non-respect de l’intimité.
  • l’urgence est une politique de santé publique pour les usagers problématiques qui contrairement au discours public ne sont pas la norme mais l’exception puisqu’ils ne représentent que 0,4 % de la population mondiale selon les chiffres des Nations Unies.

Les consommateurs mécontents

La loi 30 de 1986 avait instauré la dose minimum au nom de la défense du libre développement de la personnalité et donc sur la base des droits individuels. Le nouveau décret, lui, se base sur l’article 140 du Code de Police qui a trait aux “comportements contraires au respect et à l’intégrité de l’espace publique” et sur l’acte législatif 02 de 2009 qui interdit la possession et la consommation de drogue. Pour certaines associations de consommateurs, cette mesure est injustifiée et ne reconnait pas l’existence d’une consommation responsable.

“Nous nous opposons fondamentalement à ce que l’Etat et la société hypocrite prétendent légiférer sur une consommation responsable qui ne dérange personne. Si je ne fais pas de vagues, si je ne crée pas d’ennuis et que je ne vends rien, si je ne contamine pas, si je parviens à ne pas être un facteur problématiques pour mon environnement alors j’ai gagné le droit à ce qu’on n’interfère pas avec mes vices” affirme le leader du collectif “oui à la dose personnelle”, Eduardo Vélez.

En anticipation à la signature du décret, des collectifs de consommateurs avaient organisé, le 5 septembre dernier, un ‘fumaton’, une manifestation pacifique où ils consomment publiquement du cannabis. Le but de la manifestation est de “se réunir, fumer du cannabis et parler de la société et de l’idée que nous nous faisons de ce que peut être une consommation socialement responsable qui revendique l’indépendance de l’individu” explique Eduardo Vélez. Il considère le décret comme une erreur et une absurdité qui aurait pour effet de convertir la police en “une espèce de juge de rue” et d’envoyer un message contradictoire à la population : “une personne peut consommer mais ne peut pas en avoir sur soi”.

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