Cannabis à New York

L’État de New York va-t-il légaliser l’usage récréatif du cannabis ?

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En Janvier dernier, le gouverneur Andrew M. Cuomo commissionnait une étude du ministère de la Santé chargée de peser le pour et le contre de la légalisation du cannabis. Le résultat de ce rapport est désormais disponible et il se positionne clairement en faveur de la légalisation et d’une régulation du marché par l’État.

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Arguments socio-économiques

Un des arguments exposés en faveur de la légalisation est la lutte contre la discrimination et la criminalisation des minorités ethniques. Début 2018, 89% des personnes arrêtées pour possession de cannabis dans l’État de New York étaient noires ou hispaniques malgré des taux de consommation égaux chez la population blanche. A Manhattan, la discrimination est encore plus prégnante puisque les noirs sont environ 15 fois plus susceptibles d’être arrêtés pour les mêmes raisons.

Cette criminalisation a des effets néfastes sur l’accès au logement et à l’éducation des ces minorités. L’argent des taxes du cannabis pourrait permettre de corriger ces inégalités en investissant dans le développement socio-économique des minorités ethniques. Le rapport estime que les recettes annuelles de ventes de cannabis contrôlées par l’État pourraient atteindre entre 1,7 et 3,5 milliards de dollars.

Du point de vue économique, la légalisation permettrait également la création d’emploi ainsi que des économies de moyens dans la guerre contre la drogue en réduisant les effectifs de police, les frais judiciaires et administratifs et l’entretien des prisons. La régulation, quant à elle, permettrait au ministère de la Santé de minimiser les risques liés à la consommation de cannabis en contrôlant les quantités autorisées, la qualité des produits et le nombres de points de ventes tout en investissant l’argent des taxes dans la prévention de la jeunesse et l’éducation du consommateur.

Étant donné la position limitrophe de l’État de New York avec les États du Vermont, du Massachusetts et le Canada, qui ont légalisé le cannabis à des fins récréative, les consommateurs sont susceptibles de se déplacer dans les États limitrophes pour acheter du cannabis légal. Sur ce point, on observe d’ailleurs une recrudescence des arrestations à la frontière de l’État en 2018. Avec eux, ce sont les profits potentiels de la taxation du cannabis qui profitent aux voisins.

Arguments de Sécurité publique

Aux États-Unis, une épidémie d’overdose aux opioïdes et à l’héroïne bat son plein et la ville de New York est une des plus touchées avec 1 000 overdoses en 2017. A l’échelle de l’État, ce sont 8 444 hospitalisations suite à des overdoses d’opioïdes en 2016 contre 2 185 en 2015. Cette crise ne concerne pas que les opioïdes sous forme de drogues illicites mais aussi les médicaments conçus par les laboratoires pharmaceutiques. A ce propos, plusieurs États ont engagé des poursuites judiciaires contre les laboratoires pharmaceutiques et Trump envisageait de faire de même au niveau fédéral.

Or, dans les 29 États ayant légalisé l’usage thérapeutique du cannabis, ce fléau semble minimisé puisque les surdoses sont moins élevées que dans les États prohibitionnistes. Bien que l’État de New York ait légalisé le cannabis médical en 2014, la loi était à l’origine très restrictive et la légalisation récréative « pourrait faciliter l’accès à la marijuana pour traiter la douleur ».

En effet, le cannabis a été prouvé efficace contre la douleur et comparé aux opioïdes il réduit les risques de dépendance et n’entraine pas de surdose mortelle. Sa légalisation pourrait contribuer à la réduction des prescriptions d’opioïdes ou des doses prescrites et donc être décisive dans la gestion de cette crise.

Un autre fléau similaire auquel la légalisation récréative du cannabis pourrait contribuer est la recrudescence des cas d’hospitalisation dus au cannabis synthétique. Le cannabis synthétique est composé d’éléments chimiques qui imitent les cannabinoïdes en se fixant sur les récepteurs cannabinoïdes mais qui n’en sont pas. Sa consommation provoque hémorragies internes, tendances suicidaires, psychoses, hallucinations et délires et peut être mortelle. En l’absence de cannabis légal, le cannabis synthétique se présente comme une alternative.

L’aspect politique de la légalisation

Malgré le fait qu’il soit à l’origine de la légalisation du cannabis médical, de la décriminalisation des petites possessions et qu’il ait commissionné l’étude en question, le gouverneur Andrew M. Cuomo n’est pas vraiment partisan de la légalisation totale. Il avait, en 2017, qualifié le cannabis de drogue-passerelle. Néanmoins, devant le résultat de sondages récents qui montrent qu’une majorité de la population de l’État soutient la légalisation et devant la pression politique incarnée par sa concurrente pro-légalisation Cynthia Nixon, il semble que Andrew M. Cuomo ait changé de discours.

Parmi les responsables politiques de l’État, il n’est pas le seul à voir dans la légalisation du cannabis un fléau qui risque de détériorer la jeunesse américaine. Le maire de New York Bill De Blasio partage sa position, ce qui a valu à New York le titre de “capitale des arrestations liées au cannabis” par le Drug Policy Alliance. C’est le cas également du président des shériffs de l’État de New York, Barry Virts, qui avait témoigné devant le comité de la Santé de l’Assemblée que la décriminalisation n’avait pas sa place dans l’État de New York.

Le Parti Conservateur de l’État est également opposé à la légalisation, son président Michael Long avait affirmé : « nous, en tant que parti, ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher une telle législation ». Le groupe est affilié aux Républicains qui contrôlent le Sénat de l’État. Toutefois, l’Assemblée est majoritairement démocrate. La décision finale restera entre les mains du gouverneur qui, à la faveur de la popularité grandissante de sa concurrente, pourrait légaliser l’usage récréatif, malgré les voix discordantes, dans le cadre d’une stratégie électorale.

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