Qui est Bill Levin, fondateur de la première église du cannabis ?
Cela ne vous a peut-être pas échappé, les Etats-Unis ont créé leur première Eglise du Cannabis le 1er juillet 2015, à Indianapolis, en Indiana. Basée sur l’amour, la compréhension et la compassion entre individus, l’église a été créée par Bill Levin, un serial entrepreneur de l’Indiana. Portrait.
Au premier abord, Bill Levin est le cliché de l’ancien hippie : cheveux blancs en pétard, discours sur l’amour, la paix et les miracles de la weed, un cigare constamment à la bouche. Mais l’homme qui a créé la première Eglise du Cannabis est tout sauf une caricature.
Élevé dans une famille juive de la classe moyenne, il a géré des groupes punk, été candidat à des postes politiques, a voyagé à travers le monde et créé beaucoup d’entreprises. Parmi elles, des party bus, une boite de pub, certaines qui ont bien fonctionné et d’autres non, dépôt de bilan à la clé. Il a maintenant 59 ans, et est père de deux enfants et grand-père d’un.
Ses détracteurs ne peuvent s’empêcher de se demander si la création de l’Eglise du Cannabis n’est pas juste sa dernière idée de business, une blague un peu élaborée, ou un doigt d’honneur tendu aux politiques qui soutiennent le Religious Freedom Restoration Act, une loi qui assure la liberté de culte pour tous les citoyens américains et crée un vide juridique sur ce qu’il est possible de faire dans une église, au grand dam de ses supporters.
Pour Levin, sa transformation de manager de groupe punk-rock en Grand Poobah de la Première Eglise du Cannabis fait partie d’un grand plan cosmique.
« C’est l’accumulation de ma vie », dit Levin, « en une magnifique pile d’amour ».
Son Eglise a officié pour la première fois le 1er juillet 2015. A l’origine, une grande communion cannabique devait avoir lieu, fumette comprise, mais les autorités l’ont menacé de poursuite judiciaire si les personnes qui assistaient à l’office consommaient. On rappellera que l’Indiana n’a pas légalisé l’usage de cannabis, que ce soit pour un usage récréatif ou médical.
22 médias ont suivi la cérémonie, en plus des forces de police présentes pour vérifier la bonne tenue de la cérémonie.
Stone en Indiana
La vocation de Levin vient dans une cabane, elle aussi perchée, dans le Nord de l’Indiana. On est l’été 1960 et Bill goûte pour la première fois de la beuh avec un de ses amis. L’herbe prend alors une place importante dans sa vie, et il commence dès lors à faire goûter tous ses amis.
Il est aujourd’hui beaucoup moins prescripteur. Son église ne vend pas, ne possède pas et ne distribue pas ce qu’il appelle le « plus grand complément de santé du monde ».
Mais il aime toujours autant moquer les personnes qui fuient à la simple mention du mot « marijuana », même pour des raisons médicales.
Et Levin assure que son église n’est pas un bras d’honneur aux politiques qui maintiennent l’interdiction de la marijuana dans l’Etat. « Je ne pense pas qu’ils méritent un doigt d’honneur » dit-il. « Je pense qu’ils méritent de la gratitude. Ils nous ouvrent la voie d’une nouvelle religion qui va dominer le monde’.
Scott Schneider, Sénateur de l’Etat d’Indiana, sponsor de la loi RFRA, a une vision totalement différente. « Je ne sais pas si c’est juste une excuse pour un tas de vieux hippies de se défoncer, mais j’ai l’impression que c’est plus une campagne de pub qu’autre chose ».
Un maelström juridique pourrait s’ensuivre. Levin insiste sur le fait que la RFRA, qui limite l’intervention de l’Etat dans les libertés religieuses, légalise dans les faits l’usage de marijuana à l’Eglise. Il anticipe la création d’autres églises dans les villes alentours « comme des Starbucks ».
Si oui, ce serait juste le dernier fait d’une série d’entreprises prenant place dans la contre-culture, et que Levin a mené depuis les années 70. Des concerts punk roch. De la mode alternative. Des party bus pornos. Des dancings pour tous âges. Des boutiques de tatouage.Des films d’avant-garde. Et bien sûr, la beuh. La plupart de ses projets, comme sa nouvelle Eglise, capitalise sur la jeunesse et le pop culture.
Bien qu’il ait « essayé et aimé toutes les drogues qui puissent exister », Levin assure qu’il n’a pas bu d’alcool depuis 1988 et que les seuls médicaments qu’il utilise aujourd’hui sont le cannabis et l’aspirine.
« Si le cannabis nous aide à communiquer avec nous-mêmes, avec nos amis et avec d’autres déités, il n’y a aucune raison de ne pas célébrer la grande aventure de la vie, ensemble, avec le cannabis. »
Malgré que l’Indiana n’avance pas sur la légalisation du cannabis, Levin est toujours partisan de l’Etat. Il dit que c’est un bel Etat où vivre et fumer. Il note d’ailleurs que la variété de cannabis « Bubble Gum », vainqueur de plusieurs Cannabis Cup, est originaire de l’Indiana.
« La meilleure weed que j’ai fumée ne vient ni d’Amsterdam, ni de Denver. Ça vient d’ici. On a certains des meilleurs producteurs du monde. »
John Barillo, un vieil ami de Levin, dit qu’il croit profondément à la sincérité de son Eglise. Barillo s’émerveille qu’Indianapolis puisse accoucher d’un personnage aussi coloré.
« C’est comme une fleur exotique qui pousserait en Indiana » dit-il. « Tu le regardes et tu te dis : comment a-t-il pu prendre racine ici et s’épanouir ? ».
Une enfance mouvementée
William Jay Levin est né en 1955 à Chicago et a été adopté par Robert et Marcia Levin.
Son père, Robert Levin, un vétéran de la 2nde Guerre Mondiale mort en 1987, était diplômé de marketing de l’Université d’Indiana et a travaillé dans l’enseigne Kipp Brothers, le Toys’r’Us discount, à Indianapolis. Il a siégé aux conseils du Zoo Indianapolis et de la Congrégation Hébraïque et était également membre de plusieurs Clubs.
Sa mère, Marcia Levin, décédée en 2005, était diplômée du Lycée de Shortridge. Elle a travaillé 20 ans pour une ONG, United Way, et passa sa retraite comme volontaire pour sa communauté.
Enfant, Bill Levin a travaillé dans les usines de Kipp Brothers où il était entouré de jouets et de déguisements de carnaval. Et comme le THC, dit-il, le marketing coule dans ses veines.
« Je peux regarder un truc et le marketer complètement avant que la personne en face finisse sa phrase » disait-il dans une interview de 1995 à The Star. « Je sais à qui le vendre, comment le vendre, comment communiquer dessus et même le coût et le point-mort financier. C’est juste un truc qui est dans mon cerveau. »
Ses parents ne s’attendaient pas à ces capacités hors-norme.
« Je pense qu’ils avaient une idée de ce que j’allais devenir, mais j’ai décidé de faire autre chose. »
Levin s’est rebellé contre le style de vie de ses parents et s’est braqué avec sa mère. Ils l’ont envoyé en pensionnat dans le Maine et l’Ohio. Plus tard, il a retrouvé son chemin vers l’Indiana, allant d’aventure en mésaventure.
Il a travaillé avec des groupes punk, certains avec des dimensions internationales comme les Zero Boys. Mais il a aussi eu à faire avec la justice. Arrêté dans les années 80 pour avoir une petite chambre de culture, l’affaire a été classée. Il a aussi été arrêté en état d’ébriété, mais rien de plus.
Teneur de pub et d’une maison de disque punk, il a aussi vendu une des premières boissons énergétiques à base de caféine, Jolt.
« Dans cette ville, promouvoir les groupes punk-rock ne sert qu’à survivre. Vous pouvez manger et payer le loyer, mais c’est tout. Mon but était de devenir riche. »
Problèmes financiers
Bill Levin s’est déclaré en banqueroute en 2005. Une dette à hauteur de 144 108 $, dont la pension de son enfant, et des avoirs de 13 860$. Levin avait déclaré 24 000 $ de revenus en 2002 mais rien en 2003 et 2004.
« Je n’avais pas d’argent, pas de travail. Je me suis toujours débrouillé. Si tu vieillis et que tu as travaillé toute ta vie, tu finis par te dire : j’ai fait des party bus pendant 10 ans. Mais c’est pas vraiment une référence pour travailler avec quelqu’un. »
Deux mois après sa demande de mise en faillite, il l’a retirée. Entre temps, sa mère était décédée.
Son ex-femme atteste qu’il a toujours payé la pension de ses enfants et qu’elle n’a jamais été au courant de sa faillite. « Qu’est-ce que je pense de sa dernière lubie ? Il a toujours su se réinventer. Ce n’est pas surprenant qu’il soit devenu le Grand Poobah de son son Eglise. »
Bien qu’elle dise n’avoir pas eu de contact avec lui depuis 20 ans, elle croit « qu’il est pleinement conscient que ce n’est pas une vraie Eglise. Il a toujours défendu la marijuana. Je pense que c’est nécessaire. Et drôle. »
Leur fille de 24 ans, qui a vécu avec son père pendant son lycée, dit qu’elle est fière de son père et que l’église est légitime. « C’est un génie. Il est toujours bienveillant, et a bon coeur. »
En avance sur son temps
Bill Levin est une personne attrayante et charismatique, qui connait bien l’histoire du cannabis et l’avenir de la pop culture.
« Il a 15 ans d’avance sur son époque » évoque son ami Barillo. « C’est un visionnaire. Il sait vraiment ce que va devenir la pop culture. »
Parmi ses aventures d’entrepreneur, Levin a essayé de créer une version locale d’America Online, Indy Online. Il s’est aussi essayé à la réalité virtuelle, mais n’a pas réussi à rendre ce concept rentable.
A la fin des années 90, Levin a travaillé avec l’Organisation Nationale pour la Réforme des Lois sur la Marijuana (NORML), un groupe qui promeut, comme son nom l’indique, la réforme des lois sur la marijuana. Mais ses problèmes personnels -« sa vie tombait en lambeaux » – l’ont mené à se rendre en Thaïlande pour changer de rythme.
A son retour, il crée son organisation pro-marijuana, ReLegalize Marijuana. Il s’est présenté à deux élections pour le parti Libertarien, avec la légalisation de la marijuana comme pierre angulaire de son programme. En 2011, il récolte plus de 10 000 votes pour un siège au conseil de la ville. En 2014, il se présente en tant que représentant de l’Etat, et s’est incliné 788 voix à 6520.
Il dit qu’il s’est lancé en politique car il regardait Superman enfant, « et que la vérité, la justice et le style de vie américain sont ancrés dans mon cerveau. Je crois en ces mots, j’y crois vraiment. »
Levin a exprimé son support envers les forces militaires en 2009 dans un post Facebook : « Allez embrasser un vétéran aujourd’hui, et dites-lui merci pour le service rendu à notre belle Nation. Comment est-ce possible qu’on n’ait pas de Jour de la Police et des Pompiers ? Je pense qu’ils le méritent aussi ! ».
Levin a aussi des sentiments chaleureux pour l’IRS (les impôts ricains) après s’être déclaré non-imposable dans le cadre de son Eglise du cannabis. « Tout ce que j’ai à dire, c’est que Dieu fonctionne d’une façon mystérieuse » a-t-il déclaré.
L’adoucissement avec l’âge
Dans une interview récente dans le bureau de son église, Levin dit que son attitude envers l’argent a changé. « Je ne veux plus forcément être riche. J’ai besoin de trois repas par jour. De quatre ou cinq cigares. J’ai besoin de quelques sourires sur le visage de mes amis. Et c’est tout. »
Levin dit qu’il ne prendra personne au-dessus du seuil de pauvreté comme Grand Poobah de l’église. Mais l’homme de marketing contrôle bien son merchandising – des t-shirts, pas de weed – et espère développer son église dans d’autres villes et d’autres pays.
« Je veux voir l’église grandir et s’étendre. Encore une fois, je n’ai pas besoin de lécher des culs. De quoi ai-je besoin ? J’ai une petite amie de 36 ans, j’ai 59 ans, je suis plus heureux que jamais. Je pressens une énorme croissance d’une religion basée sur l’amour. Je ne cherche pas une vache à lait. Je cherche à aider les autres à développer leur liberté de religion. »
L’église a levé 16963$ sur le site de crowdfunding Gofundme.com à l’heure où nous écrivons sur les 20K$ demandés. Parmi les commentaires de la page, certains sceptiques : « LOL, les fumeurs se font arnaquer… achetez un nouveau bang à la place. »
Le bâtiment et le terrain que l’église a achetés a été évalué à 155K$. L’église demande des frais de participation de 50$, justifiés par Levin par les frais de téléphone, les services publics et l’hypothèque. « Rien d’autre que les truc fonctionnels ».
Mais il a aussi des avocats. « Payez vos avocats » pestait Levin dans une interview, en dessinant dans l’air le mot PAY. Ces avocats pourraient pourtant devenir vitaux pour l’histoire de la Première Eglise du Cannabis si jamais Levin est traîné en justice.
« Il a fait de grands efforts pour s’assurer que tout était légal » assure Neal Smith, Président du Conseil du NORML de l’Indiana.
Levin semble attendre une bataille légale. « C’est une décision de justice qui sera bienvenue par les deux parties. Quelle que soit la décision sur les lois religieuses, elle devra être très engagée. Et elle sera valable pour toutes les religions. »
La fille de son papa
Pour sa fille Lexi, le personnage de cartoon qu’on voit en son papa (et il ressemble beaucoup à Rick de Rick et Morty), est simplement son père. Malgré ses moments d’absence, elle le qualifie de « mensch », un mot Yiddish qui désigne une personne d’intégrité et d’honneur. Lexi n’était pas là à l’ouverture de son église, mais le soutient.
Les « 12 commandements« , une liste de directives pour les membres de l’Eglise écrite par Bill Levin, est assez familière de Levin, qui se décrit elle-même comme une fille à papa.
« Ses 12 commandements caractérisent quasiment la façon dont il m’a élevé. Ne soyez pas un connard, allez jusqu’au bout de vos combats, ne frappez jamais quelqu’un en premier, résistez pour ce que vous croyez. Il m’a toujours soutenu. Il a eu ses hauts et ses bas comme tout le monde. Mais j’aime penser qu’il m’a bien élevée. »
Elle a également trouvé troublant que des gens tentent de discriminer son Eglise comme un moyen de détourner de l’argent. « Je ne pense pas que ça obéisse à un quelconque schéma. Je pense que faire de la marijuana une plante médicinale est la bonne chose à faire. »
Elle pense son père sincère dans sa façon de créer une nouvelle religion qui inclue le cannabis. « Les gens pensent : OK, c’est juste une drogue. Mais ce n’est en pas une. Ce n’en est vraiment pas une pour lui. »
Article traduit et augmenté de Who is First Church of Cannabis founder Bill Levin ?
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