Malte est-elle en train de tuer sa légalisation du cannabis ?

En décembre 2021, Malte est devenue le premier pays de l’Union européenne à légaliser l’usage personnel, la culture et la distribution non commerciale du cannabis. Moins de trois ans plus tard, ce cadre progressiste est confronté à ce que beaucoup considèrent comme un démantèlement lent mais sûr.
Le 16 mai, le Parlement maltais a adopté à l’unanimité le projet de loi 128. Malgré un débat public limité, ce projet de loi introduit des restrictions drastiques à l’égard des consommateurs de cannabis et des « associations pour la réduction des risques liés au cannabis », ou CHRA, qui étaient au cœur de la réforme initiale, soulevant une question cruciale : Malte est-elle en train de revenir sur la légalisation du cannabis sous couvert de réglementation ?
Répression contre les clubs de cannabis et les consommateurs
Les changements prévus par le projet de loi 128 vont bien au-delà d’ajustements mineurs. Parmi les mesures les plus controversées figure la suppression de l’anonymat des membres des clubs de cannabis.
Les CHRA sont désormais tenues de tenir un registre détaillé de tous leurs membres, y compris leurs informations personnelles. Si le gouvernement affirme que ces données ne peuvent être consultées par des entités extérieures ni utilisées comme preuves devant les tribunaux, sauf dans le cadre d’enquêtes criminelles, les militants y voient une trahison des promesses faites en 2021.
«. »
Ces préoccupations reflètent une inquiétude plus profonde : celle que l’Autorité pour l’usage responsable du cannabis (ARUC), fondée pour promouvoir les principes de réduction des risques, prenne aujourd’hui un virage répressif. Dotée de nouveaux pouvoirs élargis, l’ARUC peut désormais engager des poursuites judiciaires, effectuer des inspections et infliger des amendes — autant d’outils qui renforcent sa posture de contrôle plutôt que de prévention.
Infractions liées aux odeurs et consommation publique : un champ de mines juridique
Un autre point central de discorde est l’introduction d’amendes pour les odeurs de cannabis. Les citoyens qui émettent une « forte odeur » de cannabis dans l’espace public peuvent désormais se voir infliger des sanctions administratives allant de 50 à 100€. Même les consommateurs privés peuvent être condamnés à une amende pouvant aller jusqu’à 235€ si l’odeur s’échappe de leur domicile et cause une nuisance.
Joey Reno Vella, président exécutif de l’ARUC, a défendu cette règle, invoquant « de multiples plaintes » de voisins concernant des personnes « fumant sur leur balcon » ou cultivant des plants de cannabis chez eux. « Le droit de consommer du cannabis dans votre résidence privée restera inchangé », a déclaré M. Vella au Times of Malta, « mais vous ne pouvez pas exercer ce droit en causant des nuisances à autrui ».
Les détracteurs de cette mesure estiment qu’elle est à la fois difficile à appliquer et discriminatoire. Comme le souligne un article d’opinion publié dans Lovin Malta, cette réglementation touche de manière disproportionnée les personnes vivant dans des immeubles collectifs ou de petits espaces partagés. Les personnes disposant de maisons individuelles plus spacieuses sont beaucoup moins susceptibles d’être concernées par ce type de plaintes, installant une inégalité sociale dans l’application de la loi.
Incertitude juridique et retour devant les tribunaux
Le signe le plus révélateur de cette régression est peut-être le retour de toutes les infractions liées au cannabis devant le tribunal de première instance, qui supprime la possibilité de traiter les infractions mineures par des amendes administratives.
Ce changement marque une recriminalisation d’un comportement qui avait été dépénalisé, annulant ainsi l’une des principales avancées de la réforme : libérer les forces de l’ordre afin qu’elles puissent se concentrer sur le crime organisé plutôt que sur la consommation personnelle.
Cette mesure est en contradiction directe avec les principes énoncés par l’ARUC, qui comprennent la « réduction des risques juridiques et sociaux » pour les consommateurs et la « lutte contre la stigmatisation et la discrimination ».
L’effet cumulé de ces changements ne se limite pas à un simple durcissement de la réglementation ; il suggère un changement philosophique qui s’éloigne de l’approche de réduction des risques qui avait autrefois positionné Malte comme un pionnier de la politique européenne en matière de cannabis.
Comme l’ont averti les partisans de la réforme, le pays se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit il réaffirme son engagement en faveur d’une approche de la réglementation du cannabis centrée sur les personnes, soit il poursuit sur une voie qui pourrait réduire à un simple symbole la légalisation du cannabis.
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