Cannabis aux Pays-Bas
Expérience néerlandaise du cannabis légal : Les coffeeshops désormais limités au haschisch légal produit dans le pays
Les Pays-Bas sont entrés dans une nouvelle phase de leur expérience réglementée sur le cannabis. Depuis septembre, les 80 coffeeshops participant à l’essai ne peuvent vendre que du haschisch produit par des cultivateurs nationaux agréés.
Si de nombreux entrepreneurs se réjouissent de l’élargissement de l’offre légale, des inquiétudes subsistent quant à la disparition du haschisch marocain, qui figure depuis longtemps au menu des coffeeshops néerlandais.
La fin de la « porte dérobée » pour le haschisch
Depuis le lancement de l’expérience en avril, les coffeeshops de dix municipalités, dont Nimègue, Arnhem, Groningue, Zaanstad, Almere, Voorne aan Zee, Heerlen, Maastricht, Breda et Tilburg, sont tenus de s’approvisionner en cannabis exclusivement auprès de cultivateurs agréés par l’État. Cette initiative, qui durera quatre ans, vise à tester la faisabilité d’aller au-delà de la politique traditionnelle de tolérance néerlandaise, qui tolère la vente de cannabis mais dont la production reste illégale.
Jusqu’à présent, les coffeeshops étaient autorisés à continuer de vendre du haschisch provenant de la « porte dérobée » du marché illicite. Cette exception a pris fin le 1er septembre, après que les producteurs nationaux ont augmenté leur production pour répondre à la demande. Selon le journal néerlandais NRC, cinq cultivateurs fournissent désormais des quantités suffisantes de haschisch réglementé.
Pour les propriétaires de coffeeshops, la transition s’est avérée plus facile que prévu.
« À quelques exceptions près, les clients réguliers se sont adaptés assez facilement », a déclaré Maikel van Nieuwkasteele, propriétaire du Smokery à Wormerveer, cité par le NRC. En avril, son magasin ne proposait que trois variétés de haschisch légales ; aujourd’hui, la carte en compte quinze.
La production néerlandaise de haschisch en expansion
Derrière cette expérience se cachent dix producteurs agréés, opérant sous stricte surveillance. Des installations telles que Hollandse Hoogtes à Bemmel emploient des centaines de travailleurs pour produire à la fois des fleurs de cannabis et du haschisch.
« Nous ne pourrons jamais reproduire le haschisch marocain, mais nous pouvons offrir une alternative », a expliqué Rick Bakker, directeur de Hollandse Hoogtes, dans une interview accordée au NRC.
Les méthodes utilisées varient. Certains producteurs se concentrent sur des techniques artisanales telles que le water hash ou la rosin, tandis que d’autres, comme CanAdelaar, ont opté pour une production à grande échelle dans des serres reconverties, ce qui permet de réduire les coûts. Les prix varient entre 6 et 11 € le gramme pour les variétés grand public, et peuvent atteindre 40 € ou plus pour les produits haut de gamme.
L’expansion de l’offre nationale signifie aussi que les menus des coffee shops se diversifient. Les clients ont désormais accès à une large gamme de produits légaux testés pour les pesticides et les métaux lourds, garantissant des normes de sécurité plus élevées que celles du marché illicite.
L’absence de haschisch marocain
Malgré ces progrès, l’absence de haschisch marocain reste au cœur de la controverse. Réputé pour son goût doux, sa fumée onctueuse et sa teneur élevée en CBD, le haschisch marocain domine le marché néerlandais depuis des décennies. Les agriculteurs des montagnes du Rif au Maroc cultivent dans des conditions climatiques uniques — nuits froides et journées chaudes — que les cultivateurs néerlandais ne peuvent reproduire.
Les propriétaires de coffeeshops craignent que les clients fidèles au haschisch marocain ne retournent dans la rue. « Je pense que la conclusion de l’expérience est que nous ne pouvons pas remplacer le haschisch marocain par des produits néerlandais seuls », a déclaré Van Nieuwkasteele. Rick Brand, propriétaire du coffeeshop De Baron à Breda, a été encore plus direct : « C’est le meilleur haschisch », a-t-il déclaré au NRC, déplorant sa disparition de ses étagères.
Les chercheurs font écho à ces préoccupations. Selon Pien Metaal, du Transnational Institute, cette politique risque de se retourner contre ses auteurs : « Une partie de l’expérience échouera si les Pays-Bas s’obstinent à ne vendre que du haschisch néerlandais. Il y a de fortes chances que la vente de haschisch marocain se déplace alors vers la rue. »
Certains consommateurs apprécient le prix abordable du haschisch néerlandais. « Ainsi, ils peuvent à nouveau sortir dîner », plaisante Rick Brand, de De Baron, soulignant que les options légales moins chères profitent aux fumeurs soucieux de leur budget. Mais pour de nombreux clients traditionnels, le goût et l’expérience du haschisch marocain restent irremplaçables.
Fatima el Ouamari, gérante du Barbershop à Hellevoetsluis, a observé un fossé générationnel : « Les clients plus âgés, en particulier, restent fidèles au haschisch marocain. Et celui-ci était déjà en déclin de toute façon. » Les jeunes fumeurs, en revanche, semblent plus disposés à s’adapter aux nouveaux produits néerlandais.
Appels en faveur d’importations réglementées
De nombreux acteurs du secteur et chercheurs ont appelé les Pays-Bas à envisager des importations réglementées de haschisch marocain. Les partisans de cette mesure affirment qu’elle permettrait de réduire le marché noir, de fournir aux consommateurs des produits familiers et même d’améliorer la durabilité, car la production marocaine sous le soleil est beaucoup moins gourmande en énergie que la culture en intérieur aux Pays-Bas.
« Les importations réglementées de haschisch marocain présentent des avantages », a expliqué M. Metaal au NRC. « Le risque de marché noir est réduit, la santé des consommateurs s’améliore et c’est plus durable. »
Le gouvernement néerlandais a toutefois exclu jusqu’à présent de telles importations. La culture du haschisch à des fins récréatives reste illégale au Maroc et les exportations sont limitées par des traités internationaux. Mais en s’installant dans un cadre de recherche, le Maroc pourrait facilement et légalement exporter ses produits.
Le Maroc s’est lui-même engagé sur la voie de la légalisation, mais uniquement à des fins médicales et industrielles. Depuis 2021, les agriculteurs agréés de trois provinces de la région du Rif sont autorisés à cultiver du cannabis pour les marchés médicaux et bien-être. Des milliers de petits exploitants opèrent désormais légalement sous la supervision de l’État, et leurs produits sont testés pour répondre à des normes strictes.
Selon M. Metaal, des millions de kilogrammes de cannabis et de haschich marocains sont actuellement stockés, en attente d’être exportés. Mais des difficultés persistent : les circuits pharmaceutiques européens sont déjà saturés et de nombreux agriculteurs marocains ont du mal à répondre aux exigences de qualité strictes. Si ces produits ne trouvent pas d’acheteurs, les experts préviennent qu’ils risquent de retourner sur le marché illégal.