Cannabis récréatif

“Murder Mountain”: la face sombre de l’industrie du cannabis californienne

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“Murder Mountain”, la nouvelle série documentaire de Netflix, nous plonge au cœur du comté de Humboldt dans le triangle d’émeraude californien, haut lieu de la culture illicite de cannabis.

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60% du cannabis produit aux Etats-Unis est cultivé là-bas, au cœur de l’immense forêt de sequoia, dans les collines et montagnes brumeuses du Nord de la Californie. Une production aujourd’hui en partie légale qui a longtemps alimenté le marché noir américain et qui a changé maintes et maintes fois de visages au gré des politiques de lutte ou de régulation du cannabis. Nous avons regardé les deux premiers épisodes pour nous faire une idée.

50 ans de transformations : des hippies aux gangs jusqu’au commerce légal

La série met d’abord en avant le caractère inquiétant de cet endroit reculé tristement célèbre pour détenir le record de cas de disparition de toute la Californie. On suit à travers le témoignage de son père, la disparition de Garret Rodriguez, 29 ans, parti faire fortune dans la culture illicite de cannabis sur Murder Mountain.

La police locale semble totalement impuissante dans cette région où les growers qui ont toutes les caractéristiques de gangs semblent faire leur propre loi. Certains considèrent la montagne comme le dernier vestige du Far West.

Bientôt d’autres figures plus sympathiques apparaissent, celles de growers venus ici pour vivre une vie différente, isolée de la société et fondée sur d’autres valeurs. Ils ont plutôt le profil d’agriculteurs et un véritable sentiment de communauté se dégage parmi eux. Pour eux, vivre à Humboldt est avant tout un choix de mode de vie. On sent chez eux l’héritage des premiers habitants et pionniers du commerce de cannabis dans ces montagnes : les hippies.

Les pionniers hippies

Le reportage va ensuite à la rencontre des pionniers de ce commerce : des communautés hippies venues s’installer à Humboldt dans les années 70, 80 pour vivre dans la nature, en marge de la société. Pour eux, le cannabis n’était qu’une ressource parmi d’autres et un élément essentiel de la culture hippie. Son commerce lucratif leur a permis de bâtir de véritables communautés avec des écoles et des villages. La série montre des images d’archives intéressantes.

C’était sans compter la guerre contre la drogue déclenchée par Nixon. Avant cela, la police locale ayant peu de moyens pour repérer les plantes dans l’épaisse végétation, son action était extrêmement limitée. Nixon lance l’opération CAMP contre les drogues. Celle-ci a recours à du matériel militaire pour repérer et détruire les plantations de cannabis. Vécue comme une véritable invasion et une persécution par la communauté hippie, elle pousse de nombreuses familles à s’en aller et, dans les années 90, les nouveaux habitants qui peuplent les montagnes du comté d’Humboldt n’ont plus du tout le même profil. L’idéalisme hippie a laissé place à un opportunisme commercial.

Le Green Rush

En 1996, la Californie légalise le cannabis médical mais les régulations sont tellement vagues et permissives qu’une multitude d’individus avides de faire fortune dans l’or vert viennent s’installer dans la montagne. C’est l’époque du green rush ou “la ruée vers l’or vert”. “Nous avons 10 000 km de jurisdiction et nous avons 15 000 sites de culture illicite là-haut. C’est incroyable. Cette industrie est alimentée par l’avidité et cette avidité va continuer à pousser les gens dans la violence et les forcer à économiser là où ils peuvent. Ce n’est plus l’industrie de cannabis des hippies” explique Tod Honsal, le sheriff du comté.

Parmi ces individus se trouvent des gens peu recommandables qui cherchent à maximiser leur production en utilisant des pesticides dangereux et en exploitant les travailleurs. Le comté devient peu à peu le lieu d’homicides et de disparitions en nombre. “Toute industrie underground a ses côtés glauques. C’est pour ça qu’on l’appelle underground” précise l’historien Nick Angeloff qui explique que les jeunes qui montent pour récolter et “trimmer” la marijuana s’exposent à des risques inconsidérés.

Réguler l’industrie

En 2018, une nouvelle ère s’annonce : le cannabis récréatif est désormais légal et l’industrie doit se normaliser et entrer dans la légalité. Pour les politiques, il s’agit de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, de chasser les trafiquants et garder les producteurs honnêtes. Pour ces derniers, c’est la fin d’une époque de peur mais aussi de liberté. Pour ces gens qui avaient toujours échappé au système, il faut maintenant obtenir un permis et payer des taxes de plusieurs milliers de dollars. La communauté des producteurs se sent complètement asphyxiée sous le montant des taxes et les contraintes des régulations qu’elle considère comme conçues pour favoriser les grands groupes et les multi-nationales. “Pendant 20, la police a essayé de nous éradiquer. C’est vraiment ironique que la légalisation puisse détruire ce que la criminalisation n’a pas pu détruire” explique Ed Denson, un avocat spécialisé dans le cannabis.

Aujourd’hui, la Californie lutte encore contre le segment encore important de producteurs illicites en mettant en place différentes mesures. La dernière en date concerne les analyses en laboratoire obligatoires : la plupart des trafiquants utilisent des pesticides à forte dose pour maximiser leur profit. Or le cannabis contaminé ne pourra pas être vendu dans le circuit légal.

Les petits producteurs du triangle d’émeraude quant à eux peinent encore à s’adapter au changement mais ils développent déjà des stratégies pour faire reconnaître la qualité de leur production. Ils travaillent actuellement avec les autorités à la confection d’un système d’appellation d’origine comme pour les grands vins. La région, outre son rôle de pionnière, est également réputée pour avoir le meilleur cannabis des Etats-Unis.

Autant d’aspects évoqués par Murder Mountain, que nous vous conseillons.

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