Cannabis en France

Le Club des Haschischins : précurseur de l’usage récréatif du cannabis en France

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Légende ou réalité : le mot “assassin” est réputé signifier à l’origine “consommateur de haschisch” ou haschischin. La substance résineuse permettrait en effet d’altérer les sens avant d’aller occire quelques gueux et autres seigneurs.

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Le Club des Haschischins n’est pourtant pas un gang de meurtriers, plutôt des membres de la Haute. Le Club fut fondé en 1844 par le psychiatre Jacques-Joseph Moreau de Tours. Ce médecin est le premier à analyser scientifiquement les effets psychotropes du haschisch. Il voyage en Egypte, en Syrie en passant par l’Iran, jusqu’à l’Inde. Il étudie la culture ancestrale du cannabis dans ces pays où il pousse naturellement.

Le Dr Moreau teste lui-même cette nouvelle substance et rapporte rapidement ses effets intoxicants. Il expérimente un mélange d’euphorie, d’hallucinations et d’incohérence, avec un flot soudain d’idées. Et réalise rapidement qu’expérimenter sur soi-même une drogue dont la nature est de déformer les sensations n’est pas suffisant. Il a besoin de cobayes.

Afin de mieux comprendre les effets du cannabis, Jacques-Joseph Moreau de Tours décide donc d’en ramener en France. Basé à l’hôtel du Pimodan au 17 quai d’Anjou à Paris (aujourd’hui hôtel de Lauzun), il s’entoure d’artistes avides de nouvelles sensations, dont l’écrivain Théophile Gautier. Le médecin entend ainsi comparer aliénation, folie et rêve.

Réuni sous une forme de salon, les cobayes volontaires du Dr Moreau ingèrent du cannabis sous forme de confiture sucrée nommé Dawamesk, une sucrerie très proche du mahjoun marocain. Les membres du Club décrivent une matière verdâtre, mixture de haschisch, cannelle, clous de girofle, muscade, pistache, sucre, jus d’orange et de beurre.

Ils en consomment également directement avec un calumet ou mélangé à du tabac. Dès cette époque, le Dr Moreau note que les effets diffèrent en fonction du mode d’ingestion et sont rarement similaires selon les patients. Il en conclut que les effets, pouvant aller des hallucinations au sommeil profond en passant par le fou rire, dépendent de la condition mentale et physique de l’individu.

Bien sûr, la sphère artistique s’empresse de partager cette nouvelle drogue venue d’Orient. Pour l’Histoire, d’autres érudits se joindront aux tests du Dr Moreau comme Balzac, Delacroix, Alexandre Dumas et Baudelaire.

Voici quelques citations de lettrés après un passage au Club des haschischins :

Théophile Gautier : « que de faces bizarrement convulsées ! Que d’yeux clignotants et pétillants de sarcasme sous leur membrane d’oiseau » dans Le club des haschichins

Charles Baudelaire : «  Il y a mieux, c’est que le résultat varie dans le même individu. Tantôt ce sera une gaieté immodérée et irrésistible, tantôt une sensation de bien-être et de plénitude de vie, d’autres fois un sommeil équivoque et traversé de rêves » dans Les paradis artificiels

Toutefois, les deux écrivains cités ci-dessus arrêteront de fréquenter le Club car ils estimeront que l’écrivain n’a pas besoin de substance pour rêver.

Le docteur Moreau défendra ses thèses dans son livre Du haschich, des rêves et de l’aliénation. Il sera confronté à de nombreux détracteurs auxquels il répondra ceci : «L’expérience personnelle est ici le critérium de la vérité. Je conteste à quiconque le droit de parler des effets du haschisch, s’il parle en son nom propre, et s’il n’a été à même de les apprécier par un usage suffisamment répété ».

Merci Doc pour cette phrase toujours d’actualité.

Théo Caillart

Bonus : Lire Le Club des Haschischins de Théophile Gautier

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