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Faut-il modifier l’irresponsabilité pénale en cas de consommation de cannabis ?

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Un projet de loi dit “Sarah Halimi” sera présenté à la fin du mois par le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti. Avant cela, la droite joue l’avant-match à l’Assemblée nationale, en déposant plusieurs amendements dans un autre texte, celui de confiance dans la justice”. Toute cette tambouille politique vise à répondre à une question : “Lorsqu’elle est à l’origine d’un trouble psychique, la consommation de produits stupéfiants constitue-t-elle une faute qui exclut l’irresponsabilité pénale ?”

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Le cannabis est au centre de cette affaire. En 2017, Kobili Traoré, un homme psychologiquement instable, tue Sarah Halimi après en avoir consommé. Ce meurtre d’une femme juive sans défense provoque l’indignation. La justice reconnaît le caractère antisémite du geste. Mais les experts psychiatriques déclarent l’auteur des faits irresponsable pénalement. C’est-à-dire qu’il ne peut être envoyé en prison, car le droit français ne juge pas les “fous”, mais sera admis en hôpital psychiatrique.

Mi-avril, la Cour de cassation confirme cette décision. Motif invoqué par les magistrats : “Une personne qui a commis un acte sous l’emprise d’une bouffée délirante abolissant son discernement ne peut pas être jugée pénalement, même lorsque son état mental a été causé par la consommation régulière de produits stupéfiants.” La plus haute institution judiciaire du pays ajoute : “La loi ne prévoit pas de distinction selon l’origine du trouble psychique.”

Cette loi, justement, le gouvernement veut la modifier. La droite également. “C’est une question très compliquée. On ne fait pas ça sur un coin de table, tempère le député (LR) Philippe Benassaya, co-auteur d’un amendement en ce sens. A l’avenir, ce serait bien que la responsabilité pénale soit retenue, et ne soit pas obstruée par une “bouffée délirante”. Il faut qu’on aille au moins jusqu’au procès. La prise de drogue est un sauf-conduit pour lui esquiver un procès.”

“Déraisonnable de faire une loi à chaque fait-divers”

Pour les juristes, cette loi “Sarah Halimi” à venir est dangereuse. “Ça n’a aucun sens !”, s’emporte Yann Bisiou. Ce maître de conférences à l’université Montpellier-III, spécialiste du droit des drogues a signé une tribune dans le journal Le Monde pour demander aux responsables politiques de faire marche-arrière.

Et l’amendement cosigné par M. Benassaya ne trouve pas grâce à ses yeux. “C’est une vision manichéenne de la démence, des psychoses et de la consommation de stupéfiants, dénonce Yann Bisiou. L’idée sous-jacente c’est de dire : ‘Celui qui consomme sait qu’il peut devenir dément’. Or, celui qui consomme n’a pas cette conscience. Pour Kobili Traoré, la consommation n’est pas faite pour provoquer l’altération du discernement, c’est un moyen de calmer ses angoisses.”

La règle tacite “un fait divers = une loi” est aussi remise en cause. “Il ne me semble pas raisonnable de produire une loi à chaque fois qu’il y a un faits divers pour satisfaire les besoins de justice. Il y a une dimension populiste à cela”, regrette Renaud Colson, maître de conférences en sciences criminelles à l’université de Nantes. “D’autres juristes vous diront le contraire, rétorque le député Benassaya. On légifère à cause d’un fait divers, mais aussi grâce à un fait divers. C’est un petit peu la règle du jeu.”

Les juristes et magistrats rappellent également que l’irresponsabilité pénale n’est pas une dispense de peine. “Kobili Traoré sera interné en hôpital psychiatrique avec un régime très strict car il est excessivement dangereux. Je doute qu’il en sorte un jour, rappelle Yann Bisiou. L’irresponsabilité, ça n’est pas une excuse. Ça veut simplement dire que la sanction pénale ne s’applique pas, donc on interne la personne.”

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