Cannabis en France

Dealers et consommateurs, la fracture sociale du commerce de la drogue

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Une enquête de l’OFDT (l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies) publiée en février de l’année dernière et portant sur les “Usages de drogues des adolescents à Paris et en Seine-Saint-Denis” montre que les jeunes consommateurs de drogues ne sont pas forcément ceux que l’on croient ou ceux que l’on veut nous faire croire. Parallèlement, un article du Monde souligne le fait que si le business autour des substances illicites, dont le cannabis, est aussi lucratif, c’est qu’une large partie de la clientèle est financièrement aisée.

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Qui sont les consommateurs de drogues?

L’enquête infra-régionale sur la consommation des jeunes de 17 ans avait révélé que les jeunes de l’Ouest francilien qui comprend les territoires les plus riches de Paris étaient les principaux consommateurs de substances psychoactives. Contrairement aux idées reçues, ils sont plus consommateurs que ceux résidant en Seine-Saint-Denis, le territoire le plus pauvre d’Ile de France (et de France métropolitaine). Le département affichait un taux de pauvreté de 29% en 2015 avec une proportion de jeunes de moins de 30 ans de 43%. Les résultats de l’enquête démonte le cliché collectif qui amalgame le “délinquant” de cité et le consommateur de substances et notamment de cannabis.

En revanche, il est vrai que les banlieues défavorisées sont des hauts lieux du trafic de stupéfiants et la Seine Saint Denis particulièrement du fait de sa position géographique et de son fort taux de chômage (19% des 15-64 ans en 2015 selon l’Insee). L’article du Monde intitulé “les bourges font tourner le business” explique : “le département des Hauts-de-Seine figure historiquement parmi les territoires les plus touchés par la consommation et le trafic de stupéfiants. Sa position géographique en fait une terre fertile pour le deal : il longe les quartiers les plus riches de la capitale et abrite plusieurs villes parmi les plus nanties d’Ile-de-France, comme Neuilly-sur-Seine,Boulogne-Billancourt, Levallois-Perret ou encore Issy-les-Moulineaux”.

En d’autres termes, la fracture entre les dealers issus des classes pauvres et les consommateurs issus des milieux riches réanime les fractures territoriales et sociales d’Ile de France. Les banlieues défavorisées environnantes de territoire plus aisées deviennent des points de ventes, des plateformes du trafic de drogues et la jeunesse de ces quartiers deviennent des fournisseurs pour des consommateurs plus riches. Parallèlement, ce sont ces banlieues pauvres qui sont visées par l’activité policière et leur jeunesse qui est stigmatisée comme délinquante.

Qui sont les cibles de l’amende forfaitaire?

On pourrait croire qu’en ciblant les consommateurs, le projet d’amende forfaitaire du gouvernement récemment adopté par le Parlement rétablirait la balance mais, en réalité, une certaine hypocrisie sociale sous-tend ce projet selon la sénatrice Esther Benassa. L’amende a un caractère injuste contre les différents types de consommateurs : elle lésera davantage les usagers pauvres des quartiers défavorisés particulièrement visés par l’activité policière. Pour la clientèle aisée qui a d’ailleurs peu de contacts avec la police, l’amende fera simplement “parti du budget beuh” et n’aura pas de caractère dissuasif. Il est notable d’ailleurs que les élus aient baissé l’amende à 200€ au lieu de 300€ en évoquant des considérations de solvabilité.

Récemment, le Parisien a relayé une affaire présentée devant le Tribunal Correctionnel de Versailles : quatre jeunes hommes sont soupçonnés de manager un call-center de vente de drogue qui livre dans toute l’île de France à domicile à partir de 100€ d’achats. Parallèlement, l’article du Monde mentionné plus haut relaye les propos d’un couple quadragénaire résidant dans le XVIe qui explique qu’ils se font livrer à domicile du haschish, de l’herbe et de la cocaïne. Vraisemblablement, l’amende forfaitaire ne visera qu’un certain type de consommateur : celui qui n’a pas d’autres moyens que de se fournir dans la rue.

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