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Ottawa veut réduire le remboursement du cannabis médical aux Anciens Combattants
Le budget 2025 du gouvernement fédéral met mal à l’aise l’écosystème canadien du cannabis légal.
Présenté à la Chambre des communes le 4 novembre, ce budget prévoit un plan radical visant à réduire les dépenses fédérales de 60 milliards de dollars sur cinq ans. Un élément central de cette initiative est une proposition d’ajustement des prestations liées au cannabis médical pour les Anciens Combattants Canada (ACC) et la GRC, dans le but d’économiser 4,4 milliards de dollars entre 2025 et 2029.
Selon cette proposition, le plafond de remboursement pour le cannabis autorisé à des fins médicales passerait de 8,50 $ à 6,00 $ le gramme, tout en maintenant la limite quotidienne actuelle de trois grammes. Le gouvernement fédéral affirme que cette mesure reflète les prix de détail actuels et préserve les droits des patients, mais elle a déjà suscité de vives réactions de la part des producteurs qui approvisionnent le marché médical.
Un programme en pleine croissance qui fait désormais face à une restructuration importante
Le système de remboursement d’ACC s’est considérablement développé depuis sa création. En 2011-2012, seuls 37 anciens combattants étaient couverts. En 2024-2025, ce nombre dépassait les 27 000 bénéficiaires, avec des remboursements atteignant près de 30 000 kilogrammes de cannabis, soit un total de près de 245 millions de dollars sur l’année. Depuis 2011, plus de 143 millions de grammes ont été remboursés, ce qui représente plus d’un milliard de dollars de dépenses publiques.
Le cadre de remboursement actuel remonte à un changement de politique intervenu en 2016, qui a plafonné à la fois le prix et la quantité couverts par le programme fédéral. Pour être admissibles, les anciens combattants doivent fournir un document médical délivré par un professionnel de la santé et s’inscrire auprès d’un vendeur agréé par le gouvernement fédéral dans le cadre du programme de cannabis médical de Santé Canada.
Si le Parlement rejette le budget 2025 à la fin du mois, le gouvernement libéral minoritaire pourrait tomber, ce qui pourrait déclencher des élections anticipées. D’ici là, l’incertitude plane sur la structure future de l’un des programmes de cannabis financés par les fonds publics les plus importants du Canada.
Les voix de l’industrie mettent en garde contre les conséquences pour les patients et les producteurs
Alors qu’Ottawa met l’accent sur la restriction budgétaire, les entreprises opérant dans l’industrie canadienne du cannabis font valoir que les réductions proposées interviennent à un moment difficile pour un secteur qui reste confronté à une fiscalité élevée, à la complexité réglementaire et à la concurrence persistante du marché illicite.
Les dirigeants des principaux producteurs médicaux, notamment Aurora Cannabis et Organigram, affirment que le gouvernement a non seulement négligé les possibilités de soutenir le secteur, mais qu’il a également introduit des changements sans consulter l’industrie.
« Nous sommes déçus que le gouvernement fédéral ait proposé ces changements sans consulter l’industrie du cannabis ou les entreprises de cannabis médical comme Aurora », a déclaré Miguel Martin, PDG d’Aurora, avertissant que la baisse des taux de remboursement pourrait « perturber la continuité des soins, la surveillance clinique, voire pousser les patients vers des alternatives plus risquées ».
Dans un communiqué, un porte-parole d’Aurora a ajouté que « le cannabis reste le seul médicament soumis à des droits d’accise », qualifiant l’absence de réforme des droits d’accise d’occasion manquée d’aligner la politique sur les besoins des patients.
La PDG d’Organigram, Beena Goldenberg, a émis une critique similaire : « Le gouvernement fédéral a manqué une occasion de reconnaître le secteur légal du cannabis comme un contributeur clé à l’économie canadienne et de l’inclure dans cette vision. » Elle a souligné que sans réforme, le Canada risquait de perdre son avantage de précurseur sur un marché mondial qui devrait atteindre 140 milliards de dollars.
Un secteur en quête de reconnaissance dans un contexte d’incertitude politique
Les leaders du secteur affirment que le secteur légal du cannabis au Canada a généré une valeur économique substantielle, contribuant à hauteur d’environ 16 milliards de dollars au PIB et soutenant plus de 227 000 emplois depuis la légalisation. Ils soulignent également les tendances de consommation : 35% des Canadiens auraient consommé du cannabis au cours des six derniers mois, et plus de la moitié sont favorables à une mise à jour de la réglementation afin de stimuler la compétitivité.
Pour les entreprises spécialisées dans le segment médical, la réduction proposée du remboursement pourrait remodeler les modèles commerciaux. Organigram a déclaré un chiffre d’affaires de 606 000 dollars pour le cannabis médical au troisième trimestre 2025, tandis qu’Aurora a enregistré 27,9 millions de dollars de ventes médicales au Canada au deuxième trimestre 2026, des chiffres qui risquent d’être affectés si le ministère des Anciens Combattants ajuste ses dépenses.